Nord du Gard : deux projets de bassines relancent la bataille de l’eau dans la vallée de la Cèze

Le collectif Eaux-à-gué alerte sur deux projets qui avancent de bassines à Rochegude et Barjac dans le nord du Gard
Le collectif « Eaux-à-gué », qui alerte depuis plusieurs années sur ces projets à Barjac et Rochegude, fustige un plan « d’accaparement par quelques-uns d’une partie de l’eau du bassin de la Céze ».
Véritable serpent de mer, les projets de bassines à Barjac et Rochegude ont pris un coup d’accélérateur. Évoquées pour la première fois en 2009, ces réserves d’eau à ciel ouvert sont revenues au centre du débat avec la sécheresse de l’été 2022. Porté par l’association syndicale autorisée (ASA) de Saint-Jean-de-Maruéjols, qui regroupe des agriculteurs irrigants, le projet a évolué à plusieurs reprises. Alors que les agriculteurs réclament une retenue de 600 000 m3, le projet dévoilé par le syndicat mixte du Pays de Cévennes table sur deux bassines, l’une à Rochegude de 200 000 m3 et l’autre à Barjac de 100 000 m3.
« Cette étude a été menée par un comité de pilotage qui ne s’est pas réuni depuis un an et demi mais qui a quand-même finalisé le rapport. Dans quelles circonstances ? On se pose la question », s’étonne Sébastien Espagne, membre du collectif Eaux-à-gué, antenne gardoise de « Bassine non merci ! ». Ce rapport dessine pourtant les premiers contours techniques de ces retenues d’eau.
À Rochegude, le projet s’étendrait sur 8 hectares pour une bassine de 3 hectares. La seconde, prévue à côté de la station de surpression de Barjac, concerne 2,5 hectares pour une retenue d’eau de 2 ha. Dans les deux cas, l’eau serait pompée dans la Cèze lors d’épisodes cévenols, « lorsque le débit dans la rivière sera supérieur au maximum du débit d’étiage à préserver (1 m3/s) », puis stockée à l’air libre avant d’être utilisée l’été.
Conscient des critiques suscitées par ces bassines, le syndicat mixte du Pays de Cévennes propose que l’eau retenue puisse être utilisée par les pompiers, de créer une zone naturelle sur le plan d’eau « afin de favoriser la biodiversité », d’assurer un contrôle régulier des consommations ou encore de couvrir le bassin de panneaux photovoltaïques pour limiter l’évaporation. Le syndicat estime en effet « qu’au vu des conditions climatiques locales, environ 70 cm d’eau s’évaporeront chaque année », soit l’équivalent, sur trois hectares, de l’évaporation de huit piscines olympiques.
« Accaparement de l’eau »
« Selon les scénarios on sait qu’il va y avoir des baisses de débits dans la Cèze de 40% en 2040 et 70% d’ici 2100. Ils vont donc construire des bassines qu’on n’est pas sûr de pouvoir remplir. Et une fois qu’ils auront investi plusieurs millions, est-ce qu’ils ne demanderont pas de forer dans les nappes phréatiques ? », s’interroge Sébastien Espagne. À l’instar du maire (PCF) de Barjac, Édouard Chaulet, les élus opteraient plus pour la modernisation du barrage de Sénéchas, afin de l’adapter en réserve d’eau l’été pour les agriculteurs.
Critique de cette gestion de l’eau qui n’est pas jugée optimale pour préserver la ressource, le collectif gardois Eaux-à-gué fustige surtout un plan « d’accaparement par quelques-uns d’une partie de l’eau du bassin de la Céze ». « Ces bassines ne vont pas servir les petits maraîchers mais les industriels qui font des semences OGM pour l’exportation. Le petit maraîcher, il fait sa propre réserve de quelques mètres cubes. Ici, on est dans la logique de la loi Duplomb qui ne joue pas pour la souveraineté alimentaire de la France », rappelle Sébastien Espagne. Pour le syndicat, ce n’est au contraire pas de « l’appropriation de la ressource mais seulement un décalage des prélèvements d’eau pour un usage raisonné de l’eau ».
Même si la loi Duplomb simplifie la construction de ces bassines, le premier projet gardois de ce type n’est pas encore sorti de terre. Plusieurs zones d’ombre, comme le financement du projet, n’ont pas été levées. Seuls « l’ASA et le Pays de Cévennes » sont pour l’instant prêts à mettre la main au portefeuille, ce qui est loin d’être suffisant pour trouver les 4,4 millions d’euros nécessaires au projet. Aucune étude des sols sur le site de Barjac n’a non plus été effectuée. Pourtant, le syndicat mixte table sur des travaux en 2027-2029. Une demande d’examen « au cas par cas » a été déposée en mars par l’ASA auprès de la préfecture pour la construction d’une bassine, mais celle-ci a depuis disparu. Les militants d’Eaux-à-gué craignent que le syndicat attende en réalité la promulgation de la loi Duplomb (qui facilite ces retenues d’eau) pour déposer un nouveau dossier.