Mégabassines : Une nouvelle décision de justice qui pose la question du partage de l’eau entre agriculteurs
En 2023, le tribunal administratif (TA) de Poitiers avait déjà annulé les projets de 15 méga-bassines de l’ex-région Poitou-Charentes au motif qu’ils ne respectaient pas le principe de gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, en l’absence de réelle substitution. En effet, les irrigants raccordés à ces projets de bassines auraient alors bénéficié de prélèvements en eau supérieurs aux volumes utilisés actuellement. Le 9 juillet 2024, le TA de Poitiers annule l’autorisation unique pluriannuelle de prélèvement (AUP) 2021-2025 délivrée par les services de l’État pour l’ensemble des prélèvements à usage d’irrigation dans les bassins versants du Marais Poitevin.
Le 21 octobre, ce même tribunal a rejeté les tierces oppositions formées par des irrigants et d'autres acteurs locaux, confirmant ses conclusions. En effet, l'AUP portait à 84 millions de m³ le niveau de prélèvement autorisé alors que le niveau moyen de prélèvement sur la période 2010-2019 était de 64,8 millions de m³. Aussi, alors que l'AUP prévoyait une augmentation de 25 millions de m³ des prélèvements hivernaux destinés au remplissage des méga-bassines, elle ne prévoyait qu'une diminution de 5 millions de m³ des prélèvements estivaux, contrairement au principe de substitution.
Ces deux décisions de justice viennent étayer les revendications de la Confédération paysanne. Le système des mégabassines constitue bien un accaparement de l'eau par quelques irrigants qui y seront raccordés alors que seuls les autres agriculteurs non raccordés subiront des restrictions de prélèvement estivaux. Plafonner et prioriser pour mieux répartir doit maintenant guider les politiques publiques de gestion de l'eau, dans le monde agricole et pour tous les acteurs du territoire. La gestion de l'eau, les prélèvements et l'irrigation doivent s'adapter à la ressource en eau disponible dans chaque territoire et en lien avec le dérèglement climatique ; en prenant en compte les études et projections scientifiques sur la ressource en eau.
La question du partage de l'eau entre usages et au sein même du monde agricole ne peut être mise sous le tapis plus longtemps. La répartition des volumes d'eau prélevés pour l'irrigation doit être revue avec une priorisation des cultures irriguées (maraîchage et arboriculture en tout premier lieu) et en tenant compte de tous les agriculteurs, y compris les nouveaux installés.
De plus, il est crucial d'accompagner les agriculteurs vers des pratiques agronomiques durables pour réduire leur dépendance à la ressource en eau. Le changement de système et l'adoption de techniques économes en eau doivent être encouragées par des politiques publiques adaptées.
La Confédération paysanne appelle au dialogue et doit pouvoir participer aux concertations autour de la gestion de l'eau, afin d'aborder cette question essentielle et trouver des solutions conciliant l'intérêt général et celui des paysan·nes.