Les promoteurs des réserves d’eau font face à des difficultés financières
Retards et explosion des coûts : en sud Deux-Sèvres, malgré la loi Duplomb, les mégabassines sont en grande difficulté.
Les réserves d’eau dans les Deux-Sèvres sont devenues symboles du débat national pro et anti-bassines. Aujourd’hui, les agriculteurs gestionnaires de la Coop de l’eau 79 appellent les autorités à l’aide.
Des « négociations » sont menées depuis des mois et devraient aboutir « avant la fin de l’année », confirme sa présidente (DVD) Coralie Dénoues. « Nous travaillons bien avec la Coop de l’eau 79 pour assurer la continuité du projet et pour le soutenir », détaille l’élue en se prévalant de l’appui de l’État. Aides financières ? Reprise en main ? Coralie Dénoues n’en dira pas plus sur ce coup de pouce devenu inéluctable.
Les multiples recours intentés par les associations environnementales et le combat des militants anti-bassines ont considérablement retardé la construction des ouvrages — les 16 réserves auraient dû être achevées en 2024, quatre ont été construites. Entre-temps, les coûts de construction ont explosé comme le prix de l’électricité nécessaire au pompage de l’eau dans les nappes.
« Avant, le m3 d’eau ne coûtait pas cher. Depuis qu’on a signé avec la Coop de l’eau, le prix a été multiplié par deux, et même par quatre pour ceux qui sont directement raccordés aux réserves », nous expliquait déjà un agriculteur en octobre 2024.
Une sécurisation qui coûte cher
Certains irrigants refusent désormais de payer, ou ne peuvent honorer les factures. D’autres claquent la porte, préférant acter la déroute de la coopérative plutôt que celle de leurs fermes. La sécurisation des bassines régulièrement ciblées par les opposants radicaux a enfoncé le clou. Partout, les ouvrages se parent de caméras et de fils barbelés. Ces aménagements à la charge des irrigants auraient coûté plus de 600 000 € rien qu’à Sainte-Soline.
Pour Coralie Dénoues, toutes ces difficultés sont liées à « un petit groupe de contestataires » sans qui la Coop de l’eau 79 se porterait à merveille. « Sans eau, le monde agricole ne pourra engager la transition agroécologique. Les réserves doivent être mises en service pour en mesurer l’intérêt », insiste la présidente des Deux-Sèvres.
Prête à aider les irrigants, l’élue fixe néanmoins une condition : le respect du « protocole d’accord pour une agriculture durable ». Signé en 2018, ce document avait ouvert la voie aux 16 mégabassines tout en imposant — entre autres — la réduction de moitié des intrants aux agriculteurs et la diversification des cultures. Las ! Cette feuille de route sans réels objectifs chiffrés est largement restée lettre morte.
Concernant les pesticides, « rien n’a bougé d’un iota. Les agriculteurs, puisqu’ils avaient le choix, se sont orientés vers les mesures les moins contraignantes comme la plantation de haies », résume Vincent Bretagnolle, directeur de recherche au CNRS et membre du « comité de suivi scientifique » instauré par ce même protocole.
« Ce protocole est caduc. Les engagements ont tous été piétinés durant six ans et ils seraient aujourd’hui respectés ? Il n’y a pas de modèle économique viable pour les mégabassines », martèle Delphine Batho, la députée (Génération Écologie) des Deux-Sèvres.
« Les engagements doivent être réciproques »
Porte-parole de la Coop de l’eau 79, François Pétorin reconnaît attendre impatiemment l’aide du Département. « Le but, c’est d’aller au bout du projet avec son soutien. Et sans toucher au protocole d’accord », insiste cet agriculteur.
François Pétorin conteste les écarts et retards pris dans l’application de cette feuille de route et refuse de mettre la charrue avant les bœufs : « Les engagements doivent être réciproques. Je m’engage mais je veux la sécurisation des volumes d’eau. Si les 16 réserves étaient achevées, on n’en discuterait pas de la même façon ».
Coralie Dénoues tente, elle, de ménager la chèvre et le chou. « Je serai intransigeante (quant au respect du protocole). La confiance dans le monde agricole ne suffit plus, il doit aussi démontrer concrètement ses efforts », promet l’élue qui pourrait, grâce à ce sauvetage départemental, débloquer les aides publiques — notamment celles de l’Agence de l’eau — attendues par la Coop de l’eau 79. Sans quoi les impôts des contribuables deux-sévriens pourraient un jour arroser indirectement… les bassines.