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Deux chantiers de bassines tombent à l’eau en Deux-Sèvres à cause de fouilles archéologiques


| Ouest France | Bassines


A Mauzé-sur-le-Mignon comme à Aiffres, la découverte de vestiges archéologiques expliquerait le non-démarrage des chantiers, d’après Mediapart. Le coût des fouilles préventives serait le nœud de l’affaire.

La justice n’est pas la seule à contrarier les plans des exploitants de la Coop de l’eau dans le bassin de la Sèvre niortaise et du Mignon. Alors que le remplissage de la réserve de Sainte-Soline et la construction de trois autres ouvrages à Mougon (Deux-Sèvres), Saint-Sauvant et Messé (Vienne) ont été déclarés illégaux en l’état, le 18 décembre 2024, en raison du risque que ses retenues dédiées à l’irrigation agricole font peser sur la préservation de l’outarde canepetière, deux autres projets à Mauzé-sur-le-Mignon et Aiffres sont également à l’arrêt. Et même enterrés pour leurs opposants.

Une facture de 880 000 € pour les irrigants ?

Cette fois, ce n’est pas l’oiseau menacé d’extinction qui empêche les pelleteuses et les pompes d’entrer en action mais les conclusions des diagnostics archéologiques réalisés sur les sites comme le révèle notre consœur Amélie Poinssot de Mediapart et dont a pu prendre connaissance Le Courrier de l’Ouest, ce lundi 3 novembre. Prescrites et subventionnées par l’État pour éviter que les travaux envisagés n’affectent des patrimoines archéologiques, ces interventions conduites par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) entre février et mars 2021 et entre mars et mai 2024 ont mis au jour différents indices d’anthropisation et vestiges d’intérêt majeur comme le soulignent les deux rapports détaillés combinant plus de 220 pages au total.

A Mauzé-sur-le-Mignon, 35 tranchées ont été ouvertes représentant une surface de 13 660 m² soit 10,38 % des 131 641 m² de la surface de la bassine censée sortir de terre au lieu-dit Fief du petit Bitard. Ces sondages ont notamment exhumé des enclos circulaires […] présentant un bon, voire très bon état de conservation, une grande fosse profonde et un grand bâtiment témoignant d’une occupation protohistorique, soit entre la Préhistoire et l’Antiquité. Autant d’éléments ayant le plus fort potentiel, écrivent les auteurs pour qui seuls des décapages extensifs peuvent permettre de comprendre l’organisation réelle de ces gisements.

C’est là que la donne change pour les irrigants déjà plombés par des finances en souffrance et dans l’attente d’un soutien du Département. Ces fouilles complémentaires dites préventives sont un préalable indispensable aux travaux. Surtout, elles sont à la charge de l’aménageur. D’après un procès-verbal de janvier 2024 que Le Courrier de l’Ouest a pu consulter, la facture s’élèverait à 880 000 € maximum, l’Agence de l’eau Loire-Bretagne étant susceptible d’assurer 70 % du versement d’après ce même document. En attendant, rien ne bouge depuis le départ des équipes de l’Inrap il y a quatre ans et demi.

« Une nouvelle référence du Néolithique »

A Aiffres, au lieu-dit Gratte-Loup, ce sont 37 tranchées de prospection espacées de 20 mètres qui ont été engagées avec une pelle munie d’un godet de curage de 2 m de large sur une surface de 11 550 m². Ont été répertoriés quelques fossés non datés, de grandes fosses […] et un ensemble plus remarquable qui, à ce stade de reconnaissance du site, est attribué à un habitat du Néolithique moyen par son mobilier et la réalisation d’une datation radiocarbone, peut-on lire. Un potentiel réel en données archéologiques est là aussi avancé, une intervention plus poussée sur le site avec un décapage extensif étant préconisée pour permettre d’établir une nouvelle référence pour les habitats de plein air du Néolithique moyen pour le Centre-Ouest. Là encore, ces fouilles préventives n’ont pas débuté. Est-ce lié à leur coût ?

Sollicités, Thierry Boudaud, le président de la Coop de l’eau, et François Pétorin, administrateur, n’avaient pas répondu à l’heure où nous écrivions ces lignes. De son côté, Coralie Dénoues assure avoir découvert l’information dans la presse. Nous n’en avions pas connaissance. Alors que des discussions sont en cours avec les irrigants pour définir les modalités d’un changement de gouvernance d’ici la fin de l’année, la présidente (divers droite) du Département indique que cet élément d’analyse fera partie de sa réflexion pour prendre une décision éclairée.

L’État au secours ?

Si le prix de la prestation archéologique doit être assumé par l’aménageur, celui-ci peut bénéficier d’une aide financière du Fonds national pour l’archéologie préventive (Fnap). Selon la nature du projet, l’État peut financer tout ou partie d’une opération de fouille préventive par une prise en charge ou une subvention.