Les services de l’État s’opposent à un projet de bassine dans le Soissonnais

À quelques jours d’une mobilisation internationale contre les bassines, le ministre de l’Agriculture Marc Fesnau a redit, fin février, son soutien à ces retenues d’eau aménagées par les agriculteurs pour l’irrigation des cultures.
Loin de l’immensité d’initiatives comme celle de Sainte-Soline (10 hectares, 628 000 m3, 250 piscines olympiques, dans les Deux-Sèvres), l’Aisne voit aussi émerger des projets de bassines. À Morsain, à 20km au nord-ouest de Soissons, une exploitation agricole disposant d’un bassin de 1 900 m2 a déposé en mai 2021 une demande d’autorisation pour agrandir cette réserve à 4 300 m2. Cette autorisation a été refusée et fait actuellement l’objet d’un recours gracieux et d’échanges entre l’agriculteur, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, et les services de l’État.
L’Office français pour la biodiversité considère que le projet contrevient au Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) Seine-Normandie 2022-2027. Alors que le bassin est alimenté par un forage, le Sdage (adopté après la demande de l’agriculteur) stipule que « le remplissage doit être assuré seulement par des prélèvements en eau de surface », afin « de préserver les nappes en tant que réservoirs les plus sûrs du point de vue quantitatif et qualitatif ».
Dans son recours, l’agriculteur fait valoir que les prélèvements sur la nappe seront identiques. « Les dernières études sur l’impact annuel du niveau des nappes prouvent les effets bénéfiques de pompages hivernaux (décembre à février), pour moins prélever ensuite pendant l’été », met-il en avant. Du bon sens paysan ?
« Si je ne l’arrose pas, la culture de la pomme de terre est condamnée »
D’autres projets similaires sont dans les tuyaux dans l’Aisne. Les opposants aux bassines dénoncent un accaparement de l’eau et pointent la perte causée par l’évaporation, plus forte dans une étendue à ciel ouvert que dans une nappe souterraine. Les nappes, malgré la vingtaine de millimètres de pluie tombés entre mercredi et jeudi, ne se sont pas rechargées cet hiver.
Consultée dans le cadre de l’instruction du dossier, la Fédération de l’Aisne pour la pêche et la protection du milieu aquatique est très réservée sur les bassins. « Il y a un manque criant d’eau, s’alarme son directeur Martin Duntze. Chaque exploitant a de bonnes raisons de faire un forage ou un bassin mais on ne pourra pas continuer comme ça. Ils disent qu’il en va de la survie de leur exploitation, qu’ils sont tenus par les contrats qu’ils ont avec les industriels agroalimentaires. C’est une fuite en avant, un moyen de ne pas remettre en cause les pratiques agricoles. »
Parmi les adaptations : le recours à des cultures moins consommatrices d’eau, la plantation de haies pour limiter l’impact du vent qui assèche les terres... « Des agriculteurs vont planter moins de pommes de terre pour moins irriguer », selon Benoît Davin, représentant de l'Union des syndicats agricoles, aussi maire et vice-président de la communauté de communes de Retz-en-Valois en charge de l’eau. « Si je ne l’arrose pas, la culture de la pomme de terre est condamnée alors que c’est un produit à forte valeur ajoutée. On va faire comme on a toujours fait, s’adapter. » Benoît Davin croit en l’aide de la technologie : « Il faut des systèmes plus précis de mesures des besoins de la plante pour irriguer moins et mieux ».
En attendant, le projet de bassin a été examiné récemment par le Coderst (Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques). Selon nos informations, cette instance qui n’est que consultative a donné un avis favorable.