PFAS : les pistes de l’Anses pour mieux contrôler les polluants éternels
Synthèse
1. Constat général
* Les PFAS sont une très vaste famille de composés chimiques — plusieurs milliers de molécules — utilisées dans de nombreux produits du quotidien et procédés industriels. ([academie-sciences.fr][1])
* Ces substances : très persistantes (dans l’environnement, dans les organismes), mobiles, parfois bioaccumulables. ([Anses][2])
* L’ANSES a mené un état des lieux en France, compilant près de 2 millions de données relatives à 142 PFAS pour les premiers bilans, puis élargi à 247 substances dans sa stratégie. ([Anses][3])
2. Contamination des milieux et de la population
* On constate la présence de PFAS dans de nombreux compartiments : eau (eaux destinées à la consommation, milieux aquatiques), aliments, sédiments, biotes, sols, poussières, air intérieur/extérieur — mais avec une hétérogénéité des données selon la substance et le compartiment. ([Banque des Territoires][4])
* Pour la biosurveillance humaine (sang, etc.), les niveaux moyens en France sont « du même ordre » que ceux observés en Europe. ([Le Monde.fr][5])
* Cependant, certains compartiments sont très peu documentés : air intérieur/exterieur, poussières, sols, expositions professionnelles. ([Banque des Territoires][4])
3. Toxicité et effets sanitaires
* Pour plusieurs PFAS « emblématiques » (ex : PFOA, PFOS), il existe des éléments scientifiques montrant des effets sur : le cholestérol, le foie, les reins, la fertilité, le développement fœtal, le système immunitaire, etc. ([Anses][2])
* Par contre, pour beaucoup d’autres PFAS, les données de toxicité sont fragmentaires ou inexistantes — ce qui rend l’évaluation des risques plus incertaine. ([academie-sciences.fr][1])
4. Stratégie de surveillance et priorisation
* L’ANSES propose une méthode de catégorisation des PFAS fondée sur deux indices : occurrence (présence dans les compartiments) + toxicité (données existantes) pour prioriser les substances à surveiller. ([Banque des Territoires][4])
* Trois grands types de surveillance recommandés :
* Surveillance **pérenne** pour les PFAS les plus préoccupants et documentés
* Surveillance **exploratoire** pour ceux pour lesquels les données sont limitées
* Surveillance **localisée** en lien avec des sources ou sites particuliers (historiques ou suspectés) ([Banque des Territoires][4])
* Exemples de recommandations :
* Étendre la liste des PFAS surveillés dans l’eau potable (au-delà des 20 listés dans la directive) avec ajout de substances comme l’TFA (acide trifluoroacétique) notamment. ([Le Monde.fr][5])
* Élaborer des campagnes de mesure dans les aliments pour plus de substances, sur des types variés d’aliments (céréales, fruits-légumes, miel, sucre, aliments pour enfants) au-delà des seuls poissons/œufs/viandes. ([Le Monde.fr][5])
5. Réglementation et actions
* Au niveau national, la loi n° 2025-188 du 27 février 2025 fixe le principe d’interdire les usages de PFAS dans certains produits (cosmétiques, textiles, etc) dès le 1er janvier 2026. ([Anses][2])
* Au niveau de l’eau potable, la directive européenne (2020/2184) prévoit l’intégration de 20 PFAS dans la surveillance et limite de qualité (0,10 µg/L pour la somme de ces 20) dans les eaux destinées à la consommation humaine. ([auvergne-rhone-alpes.ars.sante.fr][6])
Conclusions clés & implications
* Il est désormais reconnu que les PFAS ne sont **pas un problème marginal** : leur présence est généralisée dans l’environnement, dans les aliments, dans le corps humain — même si les niveaux ne dépassent pas toujours les seuils établis.
* Toutefois, l’hétérogénéité des données, et l’existence de nombreux « angles morts » (compartiments mal documentés, substances mal connues) rendent la situation incertaine : il y a des risques potentiels non quantifiés.
* Il y a un besoin urgent (et reconnu) de :
* renforcer la surveillance (mesures, analyses) dans davantage de milieux et pour davantage de PFAS
* prioriser les substances les plus préoccupantes (à la fois en occurrence et toxicité) pour orienter l’action publique
* agir à la source : limiter les usages, émissions, rejets de PFAS, car la persistance assure que la remédiation est complexe.
* Pour la France, cela signifie que les autorités (et les entreprises) devront s’adapter : mise en œuvre stricte des surveillances, anticipation des restrictions, recherche de solutions de substitution, mise à jour des données de toxicité et d’exposition.
* Pour les acteurs de terrain (gestion de l’eau, alimentation, industries, collectivités), cela veut dire que :
* il faudra intégrer les PFAS dans les diagnostics et stratégies de gestion
* anticiper la surveillance et les contrôles pour les PFAS nouveaux ou peu documentés
* prévoir des mesures de gestion proportionnées lorsqu’un dépassement est confirmé (dans l’eau potable, par exemple)
Limites et points de vigilance
* Le fait que beaucoup de PFAS ne soient pas encore surveillés ou peu documentés impose de la prudence : absence de données ne veut pas absence de risque.
* Les mécanismes de toxicité ne sont pas toujours bien compris, et l’effet cocktail (exposition à plusieurs PFAS + autres substances) reste un enjeu majeur.
* Pour la population, les seuils existants sont parfois jugés trop “tolérants” par certaines associations ou chercheurs, au regard du principe de précaution. ([Justice.cool][7])
* La dépollution (élimination ou destruction des PFAS) est techniquement compliquée et coûteuse, d’où l’importance de la prévention et de la réduction à la source.
[1]: https://www.academie-sciences.fr/sites/default/files/2025-03/rapport%20PFAS-250325.pdf?utm_source=chatgpt.com "La pollution aux PFAS : état des lieux des connaissances ..."
[2]: https://www.anses.fr/fr/content/pfas-substances-chimiques-persistantes?utm_source=chatgpt.com "PFAS : des substances chimiques très persistantes"
[3]: https://www.anses.fr/fr/content/surveillance-nationale-des-PFAS-integrer-les-donnees-de-contamination-et-de-toxicite?utm_source=chatgpt.com "PFAS : vers une surveillance élargie"
[4]: https://www.banquedesterritoires.fr/pfas-lanses-prone-une-strategie-graduelle-de-surveillance-perenne-exploratoire-et-localisee?utm_source=chatgpt.com "PFAS : l’Anses prône une stratégie graduelle de surveillance pérenne, exploratoire et localisée"
[5]: https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/10/22/pfas-les-pistes-de-l-anses-pour-mieux-controler-les-polluants-eternels_6648824_3244.html?utm_source=chatgpt.com "PFAS : les pistes de l'Anses pour mieux contrôler ..."
[6]: https://www.auvergne-rhone-alpes.ars.sante.fr/pfas-surveillance-dans-leau-de-consommation?utm_source=chatgpt.com "PFAS : surveillance dans l'eau de consommation"
[7]: https://www.justice.cool/les-normes-anses-sur-les-pfas-une-approche-trop-laxiste-face-au-principe-de-precaution/?utm_source=chatgpt.com "Les normes ANSES sur les PFAS : une approche trop ..."
Recommandations détaillées
1. Eau destinée à la consommation humaine
- Intégrer dans la surveillance obligatoire (à partir du 1ᵉʳ janvier 2026) une liste de 20 PFAS pour les eaux de consommation.
- Étendre cette liste (notamment en ajoutant l’acide trifluoroacétique (TFA)) pour prendre en compte des substances émergentes aux occurrences élevées.
- Mettre en place une surveillance de type « pérenne » pour les PFAS les plus préoccupants, et de type « exploratoire/localisée » pour les autres.
- Mettre en place des mesures de gestion dès qu’un dépassement est mesuré – l’ANSES rappelle que la limite de qualité réglementaire ne vaut pas pour autant « absence de risque », mais que l’objectif reste des concentrations aussi basses que possible.
- Favoriser l’amélioration des méthodes de traitement ou filtration (par exemple membranes) pour les PFAS dans les unités de production d’eau potable.
2. Alimentation
- Étendre la surveillance des PFAS dans les denrées : aujourd’hui seuls 4 PFAS sont réglementés dans certaines denrées animales (poissons, viandes, œufs) au niveau européen.
- Élargir le spectre des aliments surveillés : par exemple céréales, fruits-légumes, miel, sucre, alimentation infantile, etc.
- Prioriser la collecte de données pour estimer l’exposition alimentaire de la population générale à plusieurs PFAS non encore ou peu documentés.
- Utiliser ces données pour potentiellement définir des valeurs toxicologiques de référence pour consommation à long terme.
3. Environnement / Sols / Air / Poussières / Sédiments
- Renforcer la surveillance des sols, de l’air intérieur et extérieur, des poussières, des sédiments et des biotes (organismes vivants dans les milieux aquatiques ou terrestres). L’ANSES note que ces compartiments sont encore « peu documentés ».
- Pour les zones localisées (sites industriels historiques ou suspectés d’émissions PFAS), mettre en place une surveillance ciblée (« localisée ») afin d’identifier des points chauds de contamination.
- Travailler sur la réduction à la source des émissions dans l’environnement : interdiction stricte de rejets non contrôlés depuis les sites de production industriels.
4. Produits de consommation / matériaux / équipements
- Assurer la traçabilité des PFAS depuis la fabrication jusqu’à la fin de vie des produits : l’étiquetage des produits contenant des PFAS doit être amélioré (transparence).
- Évaluer le potentiel de relargage/emission de PFAS à partir des matériaux en contact avec l’eau, les aliments, ou les utilisateurs (emballages alimentaires, matériaux de construction, textiles, cosmétiques, etc.).
- Encourager la substitution des PFAS par des alternatives moins persistantes ou moins préoccupantes lorsque cela est faisable, et limiter les usages non essentiels.
5. Exposition humaine / Biosurveillance
- Poursuivre et élargir les études de biosurveillance (sang, urine, lait maternel) pour quantifier l’imprégnation de la population aux PFAS et suivre l’évolution dans le temps.
- Bien que la mesure individuelle (prise de sang) ne permet pas encore de caractériser un risque précis à elle seule, l’ANSES souligne l’importance de ces données pour établir des repères populationnels.
- Développer des valeurs toxicologiques de référence (VTR) pour plusieurs PFAS à long terme, afin de pouvoir interpréter les niveaux d’imprégnation et guider les politiques de prévention.
- Informer les professionnels et le grand public sur les bonnes pratiques de réduction d’exposition, notamment dans les milieux professionnels ou particuliers susceptibles d’avoir des usages de PFAS.
Synthèse pour un projet de méthaniseur (avec apports organiques multiples) :
- Il conviendrait de vérifier si les intrants (fumier équin, jus de silo, pulpe de betterave, déchets de pomme de terre, etc.) ou les matériaux utilisés dans les équipements/étanchéités, membranes ou revêtements contiennent ou peuvent libérer des PFAS ou leurs précurseurs.
- De prévoir une surveillance localisée (compartiment sol/sédiment, jus liquides, eaux de process) autour du site, au moins en mode exploratoire, si usage ou proximité de sources PFAS suspectes.
- D’intégrer dans le plan de gestion des risques un volet « produits/matériaux » pour garantir que les surfaces, revêtements ou emballages en contact ne soient pas source de relargage de PFAS.
- D’inclure éventuellement dans votre évaluation environnementale et sanitaire les données relatives aux PFAS dans les eaux de consommation proches ou potentiellement impactées, même si ce n’était pas initialement l’objet.
Synthèse – Recommandations ANSES sur les PFAS (2025)
Compartiment |
Objectif de surveillance |
Actions clés recommandées |
Échéances / Priorité |
Eau potable |
Renforcer la surveillance réglementaire et élargir la liste des PFAS suivis. |
• Intégrer 20 PFAS dès 2026 (directive UE 2020/2184) |
2025–2026 / Priorité haute |
Alimentation |
Mieux documenter la contamination et l’exposition alimentaire. |
• Étendre les analyses à plus d’aliments (fruits, légumes, miel, céréales...) |
2025–2027 / Priorité élevée |
Environnement (sols, sédiments, air, poussières) |
Améliorer la connaissance des PFAS dans les milieux naturels et identifier les zones à risque. |
• Mettre en place surveillance localisée autour de sites industriels ou pollués |
2025–2028 / Priorité moyenne à haute |
Produits de consommation et matériaux |
Limiter les usages non essentiels et assurer la traçabilité des PFAS dans les produits. |
• Étiquetage obligatoire des produits contenant des PFAS |
Dès 2026 (loi n°2025‑188) / Priorité haute |