Skip to main content

Eau potable contaminée au dioxane : dans les Yvelines, deux sites industriels dans le collimateur

Les prélèvements de l’Anses ont montré qu'on trouvait dans les Yvelines les plus fortes concentrations de dioxane en France. ISTOCK/d3sign

| Le Parisien | Pollution




À Saint-Martin-la-Garenne comme à Mareil-sur-Mauldre (Yvelines), l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a détecté la présence de 1,4-dioxane, un solvant potentiellement cancérigène, dans les nappes phréatiques. Ce composé chimique, classé potentiellement cancérigène, dont la présence dans l’eau potable ne fait l’objet d’aucune réglementation en France.

Dans « la perspective d’une amélioration des connaissances », l’Anses a mené une campagne nationale de mesure dans la perspective d’une « évaluation des risques sanitaires », précise Christophe Rosin, chef de l’unité chimie des eaux au laboratoire Anses d’hydrologie de Nancy (Meurthe-et-Moselle).

Alors qu’en Allemagne une limite à 0,1 µg/litre a été instaurée, l’Anses a relevé le taux record en France sur l’un des deux sites étudiés dans les Yvelines. « Pour l’un d’eux, on sait d’ores et déjà que ces teneurs élevées sont en lien avec une pollution aux solvants chlorés dans les années 1980 », affirme le rapport de l’agence, qui refuse d’en dire davantage.

En 2005, nous revenions sur la non-dépollution de l'usine de Limay dans les Yvelines. Depuis, la situation perdure.

En 2005, nous revenions sur la non-dépollution de l'usine de Limay dans les Yvelines. Depuis, la situation perdure. LP/Archives

Elle n’a pourtant pas choisi au hasard ces sites analysés. Il s’agit de « points d’intérêts », proposé par les ARS et retenu en fonction de la vulnérabilité des sites. Une vulnérabilité déterminée à partir de soupçons basés sur l’historique
L’Anses n’a pas souhaité en dire davantage sur cette source de polluant déjà identifiée, pas plus que la préfecture et la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et des transports en Île-de-France (Drieat) qui renvoient sur l’Agence régionale de santé, laquelle renvoie à son tour… sur l’Anses, autrice du rapport.

Mais une plongée dans les archives oriente les soupçons sur deux industries dont la pollution est référencée par Georisques, la plate-forme gouvernementale qui recense sites et sols pollués ou susceptibles de l’être.

Une ancienne décharge de produits chimiques

Pour les eaux brutes prélevées à Saint-Martin-la-Garenne, le coupable pourrait être sur une petite parcelle à l’arrière d’une industrie de Limay. Un site racheté à de nombreuses reprises – qui a fini dans l’escarcelle de Sanofi, le géant pharmaceutique – où cette ancienne fosse est en cours de dépollution depuis… plus de trente ans.

« Il s’agit d’une ancienne décharge. Dans ce trou ont été versés, depuis 1965 et jusqu’à la fin des années 1970, les produits chimiques et résidus rejetés par la société Grévis, qui a construit cette usine de production chimique et pharmaceutique », déclarait en 2005 dans nos colonnes le propriétaire d’alors, la société PCAS qui a hérité de la charge de dépolluer les lieux en vertu de la loi Ségolène Royal du 13 juillet 1992. Depuis, ce rectangle de verdure inoccupé et clos dans un recoin de l’enceinte de l’usine est en cours de dépollution.

C’est en 1993, alors que l’exploitant de l’époque s’apprête à revendre son usine de Limay, que des témoignages d’ouvriers parlant de déversements sont confirmés par des études. « Les produits déversés ont rongé la roche calcaire jusqu’à atteindre la nappe phréatique », témoignait pour Le Parisien, en 1994, le responsable du site. « Le sous-sol est pollué jusqu’à la nappe phréatique de la craie, située à 40 m de profondeur sous le site par principalement des alcools, du benzène, toluène, chloroforme et trichloréthylène », indique la fiche InfoSols dédiée à la parcelle sur Géorisques.

« Et, justement, cela nous intéresse car le dioxane était utilisé comme stabilisateur de solvant, en particulier du chloroforme et du trichloréthylène, examine Jacky Bonnemains, fondateur de l’association de protection de l’homme et de l’environnement Robin des Bois. Il y a eu une dépollution, qui est toujours en cours et, en l’occurrence, ces panaches de composés chimiques sont extrêmement difficiles à récupérer. Nous pensons que les services de l’État n’ont pas été assez exigeants envers le laboratoire pharmaceutique et que ce site reste à l’heure actuelle une source de pollution persistante pour les eaux souterraines, notamment en 1,4-dioxane. C’est donc nôtre (suspect) favori. »

« Ce site est aujourd’hui exploité par la société Seqens, acteur mondial intégré de solutions pharmaceutiques et ingrédients de spécialité, à l’exception de cette zone qui est restée la propriété de Sanofi et qui a conservé la charge de sa réhabilitation, confirme Sanofi. Cette réhabilitation est toujours en cours sous le contrôle de la Drieat (Direction Régionale et Interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports), conformément à l’arrêté préfectoral du 15 novembre 2012. A notre connaissance, il n’y a pas de dioxane dans les eaux souterraines. »

Sauf que... on ne trouve que ce qu’on cherche. Or,  « Le 1,4-dioxane ne fait pas partie des substances recherchées dans les eaux souterraines, concède Sanofi. Conformément à la méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués élaborée par le ministère en charge de l’environnement en 2017, cette liste a été élaborée à partir des études historiques et se concentre sur les substances les plus pertinentes. »

À Mareil, plusieurs captages fermés après une pollution au chloroforme

Même démarche pour la contamination des eaux de Mareil-sur-Mauldre. Cette fois, les regards s’orientent vers un site industriel de Beynes, où une importante pollution au chloroforme a été détectée dans les années 1990, débouchant sur la fermeture de captages, pendant plusieurs années pour certains.

« Sur les photos historiques du site de la Maladrerie datant des années 1980, nous localisons une usine en bordure de la rivière Mauldre. Or nous avons trouvé dans les archives de la Direction régionale de l’environnement un document (…) mentionnant l’emploi de trichloréthylène, explique Jacky Bonnemains. Et nous pouvons dire, d’après (Georisques), que la nappe souterraine et le sol ont été pollués par des solvants chlorés (chloroforme en particulier) issus d’anciennes fosses de stockages d’effluents, utilisées avant 1985. » Chloroforme et trichloréthylène encore, les deux solvants stabilisés par le dioxane.

Au terme de l’ensemble des travaux de dépollution, « 103 tonnes de solvants chlorés ont été extraites et traitées depuis les eaux souterraines, et 7 356 tonnes de terres polluées ont été traitées ». En mai 2020, date de la dernière mise à jour de la fiche Géorisques pour ce site, l’administration concluait : « Dans l’état actuel des choses, et de l’usage projeté sur le site, celui-ci n’appelle plus d’action spécifique de l’inspection des installations classées. »

Contacté, le Secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles de la vallée de la Seine n’était pas en mesure de répondre à nos questions la semaine dernière.