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Barbery (Oise): Faut-il boire l'eau polluée ?


| Le Parisien | Pollution


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BARBERY I La commune ne subit aucune restriction d'usage alors que ses taux de métabolites dépassent ceux de Mont-l'Évêque, bourg voisin où la distribution avait été suspendue plusieurs mois.

LE SUJET DE L'EAU reste une question sensible pour la petite bourgade de Mont-l’Évêque. En 2022, une pollution du réseau local par des métabolites de chloridazone, un herbicide utilisé pour la culture des betteraves jusqu’à son interdiction en 2020, avait conduit à l’interdiction de la consommation de l’eau durant plusieurs mois. Une décision prise selon les préconisations du ministère de la Santé : au-delà de 3 microgrammes par litre (μg/l) de métabolites dans l’eau, des restrictions alimentaires doivent être prises.

Pourtant, à Barbery, la commune voisine, ce taux est régulièrement dépassé sans que des restrictions ne soient mises en place. C’est en tout cas les conclusions du Regroupement des organismes de sauvegarde de l’Oise (Roso). L’association écologique pointe une situation qui relèverait « de l’urgence sanitaire pour laquelle il convient d’agir sans délais ». De son côté, l’agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France met en avant une nouvelle réglementation.

Fin des restrictions systématiques

EARS confirme bien qu’un dépassement des 3 μg/l a été détecté à Barbery, ce qui a conduit à un suivi renforcé qui a confirmé un taux moyen de 3,5 μg/l Alors pourquoi les interdictions n’ont pas été les mêmes qu’à Mont-l’Évêque ? « Le ministère de la Santé a instauré en octobre dernier un nouveau cadre de gestion », détaille-t-on du côté de rétablissement public.

Au-delà de 3 microgrammes par litre de métabolites dans l'eau, des restrictions étaient prises. Barbery a un taux moyen de 3,5.

Un nouveau règlement qui ne prévoit plus de restriction systématique de la consommation de l’eau dès lors que des actions visant à réduire la pollution sont engagées Une décision prise face aux « incertitudes scientifiques » mais aussi car « ces mêmes situations ne conduisent pas les autres pays européens à envisager de telles mesures ». Si c’est le cas pour Barbery, ces nouvelles dispositions ne s’appliquaient pas encore quand a eu lieu l’épisode de Mont-l’Évêque. Si la maire de cette dernière commune, Michelle Lozano, n’a pu être jointe, le sujet continue de faire grincer des dents les habitants. « Alors tout ce cirque, plus d’eau potable au robinet durant des mois, pour rien », s’étonne ce retraité du centre-bourg.

D’autres n’ont pourtant jamais cessé de la boire. « J’en ai toujours bu et à plus de 70 ans, ce n’est pas ça qui va me tuer, s’amuse Francis. Pour moi c’est un faux problème. Récemment, on a enterré une dame de 98 ans qui avait bu cette eau toute sa vie ! Dans les autres pays, on n’en fait pas tout un fromage.»

Pourtant, pour le président du Roso, Didier Malé, les comptes de l’ARS ne sont pas bons. « Les 3,5 μg/L correspondent à la moyenne des relevés effectués sur une source et un forage, d’où provient l’eau de Barbery. Mais si on prend les analyses de la source, celle- ci est complètement pourrie ! C’est quasiment 13 μg/L qui ont été détectés»

Surtout, ce spécialiste des dossiers environnementaux met en avant un arrêté de2007 du Code de la santé, qui indique qu’en cas de dépassement du seuil de 2 μg/l, les eaux brutes ne peuvent plus être utilisées pour produire de l’eau potable.

« J’ai interrogé la Direction générale de la santé (DGS) qui m’a confirmé que cet arrêté restait en vigueur face au nouveau règlement évoqué par l’ARS, martèle-t-il, mail de la DGS à l’appui. Pour moi c’est clair, l’eau ne devrait plus être distribuée à Barbery. »

Malgré l’inquiétude, la municipalité assure vouloir régler le problème. « Ce n’est pas rassurant mais nous travaillons sur le sujet, assure le maire, Dimitri Roland. C’est assez complexe, le taux varie du simple au triple tous les quinze jours, un coup les analyses sont trop élevées puis elles redescendent.

Des dossiers déjà complexes à l’échelle d’une grande ville, rendus encore plus compliqués à des strates infé- rieures. « Nous sommes conscients de l’enjeu mais l’aspect financier est délicat, poursuit l’édile. Pour une interconnexion avec un autre réseau d’eau potable, c’est entre 500 000 et un million d’euros. Alors que notre budget annuel est autour de 900 000 €.»

« Les agriculteurs sont aussi victimes »

Lui-même est agriculteur, une profession prise pour cible dans ces affaires de pesticides dans l’eau potable. « Ce n’est pas marrant d’être montré du doigt à longueur de journée, soupire-t-il. C’est facile de refaire l’histoire mais il faut remettre l’usage des pesticides dans le contexte de la France d’après-guerre, où on nous a poussés à intensifier nos pratiques pour nourrir la population. Nous en sommes aussi victimes aujourd’hui. »

Lui assure que les pratiques ont évolué. « Les produits ne sont plus les mêmes, les dosages comme leur utilisation, on en emploie de moins en moins. Mais c’est un système qu’il n’est pas facile de quitter. On nous demande de pratiquer des prix toujours plus bas sur des produits de qualité, ce n’est pas forcément compatible. » En témoigne la colère qui s ’exprime depuis vendredi, à l’échelle nationale, avec des blocages de routes et diverses actions des exploitants dénonçant notamment la complexité administrative qui gangrène le métier.