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Pollution de l’eau : dans le Val-d’Oise, une usine bloque déjà les nanoparticules

Méry-sur-Oise (Val-d'Oise), le 18 avril. Le Syndicat des eaux mixtes d'Île-de-France vise une eau plus pure encore, sans micropolluants, ni chlore, ni calcaire.

| Le Parisien | Documentation

À Méry-sur-Oise, des membranes parviennent à bloquer les plus petits polluants, perturbateurs endocriniens, PFAS ou résidus de pesticides. Un débat public s’est ouvert ce jeudi pour passer à la génération suivante. L’eau sera plus pure, mais elle pourrait coûter aussi plus cher.

Comment Van Gogh aurait-il représenté l’usine d’eau potable du Syndicat des eaux mixtes d’Île-de-France (Sedif) et sa supertechnologie en spirale ? En face de l’église d’Auvers-sur-Oise (Val-d’Oise) peinte par l’artiste hollandais, l’installation, qui traite 160 000 mètres cubes/jour, utilise un système de nanofiltration capable de stopper les « nouveaux » polluants comme le dérivé de chlorothalonil, un pesticide interdit, que l’agence sanitaire (Anses) a récemment découvert dans plus de la moitié des eaux potables.

« Les membranes bloquent 90 à 95 % des R471811, le métabolite problématique, quand les systèmes conventionnels n’en retiennent aucun ! » s’enthousiasme derrière ses lunettes à monture violette Sylvie Thibert, ingénieure qualité eau au Sedif. L’usine de Méry a été la première en France à installer ce dispositif il y a vingt ans, ce qui lui vaut la visite de délégations étrangères, y compris de Singapour. Depuis, de rares producteurs d’eau du robinet s’y sont mis, comme à Orléans ou Valenciennes.

Le Sedif, qui alimente plus de 4 millions d’usagers en Île-de-France, veut passer à la génération suivante avec une technologie dite « d’osmose inverse basse pression » dans cette usine et les deux autres qui fournissent l’eau du robinet à 135 communes. Mais pas avant 2025 à Méry, où il s’agit « simplement » de changer les filtres, et entre 2030 et 2032 à Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) et Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), où de gros travaux sont nécessaires. Une consultation publique est organisée à compter du jeudi 20 avril, car le projet va coûter la bagatelle de 870 millions d’euros.

L’équivalent de 70 terrains de foot

Comment ça marche ? Les membranes sont des feuilles de plastique enroulées et percées de minuscules pores, plus petits qu’un cheveu. « De très puissantes pompes sont activées, seules les molécules d’eau passent. L’osmose inversée fonctionne exactement de la même manière, simplement les pores sont encore plus petits, jusqu’à mille fois plus fins. Il faut donc encore plus de pression », simplifie Adrien Richet, ingénieur haute performance. Dans les bâtiments immenses, que de tuyaux ! Et pas tellement d’eau visible, le liquide circule en grande partie à couvert. Les précieuses membranes sont lovées dans toutes ces canalisations. Étalées, elles feraient 340 000 mètres carrés, l’équivalent de 70 terrains de foot.

Lors de ce traitement « les pesticides, les PFAS, dits « polluants éternels » (substances qui inquiètent les autorités publiques) et les nanos polluants sont bloqués, y compris ceux que l’on ne connaît pas encore », pointe Sylvie Thibert. C’est d’autant plus important que le Sedif n’utilise que de la « ressource de surface », de l’Oise, de la Seine et de la Marne, des eaux plus susceptibles de transporter pesticides, résidus médicamenteux et autres que celles issues des nappes phréatiques.

Moins de chlore au goût, moins de calcaire pour le lave-vaisselle

L’investissement, beaucoup plus gourmand en électricité, est controversé. Pourquoi améliorer cette eau déjà mieux filtrée que filtrée ? Primo, seules 70 % des eaux distribuées par l’usine modèle passent par des membranes. Le reste suit le traitement « conventionnel » : décantation, filtrations, ozonation… L’idée est de pouvoir à terme produire 100 % par nanofiltration, y compris pour les autres sites.

Secundo, le Sedif vise une eau « pure », sans les micropolluants donc, mais aussi « sans chlore » et « sans calcaire ». Des bénéfices collatéraux de la technologie par osmose inversée. « Le goût de chlore est sans cesse cité comme désagrément. Si notre eau est assez intègre, on pourra s’en passer », pointe Adrien Richet. Pas sûr, alors qu’on surveille ce liquide comme le lait sur le feu et que depuis Vigipirate on craint la menace bactériologique terroriste jusque dans nos tuyaux.

Quid du « concentrat », les matières et donc les polluants retenus qui sont rejetés dans la rivière ? Des polluants originaires du cours d’eau qui y retournent des proportions minimes par rapport au débit, balaie le Sedif. « Une absurdité ! Juge au contraire Jean-Yves Piriou, de l’association pionnière de la question Eaux et rivières de Bretagne. C’est mauvais pour la biodiversité tout au long du parcours. En bout de course, la mer sera affectée. Et pour ce traitement, qui paye ? Le consommateur. Ce n’est pas normal, c’est au pollueur de mettre la main à la poche. »

En effet, avec cet investissement, les consommateurs verront leur facture grimper un peu. « Il s’agirait d’une augmentation de 30 à 40 centimes par m3, soit entre 3 et 4 euros mensuels par foyer », avance Luc Strehaiano, vice-président du syndicat. Mais, ce coût serait selon le Sedif vite absorbé. Car l’eau moins calcaire use moins les appareils électroménagers. Selon les calculs du cabinet IEIC, cela représenterait une économie de 124,6 euros en moyenne par foyer. Sans compter que moins de goût dans l’eau du robinet, c’est aussi moins de bouteilles en plastique…