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Débit réservé : une association d'irrigants et son président condamnés pénalement


Le canal de Lentilla (Pyrénées-Orientales)

| Actu-Environnement | Juridiques


Par une décision du 8 juillet 2025, la cour d'appel de Montpellier a confirmé la condamnation pénale de l'association syndicale autorisée (ASA) du canal de la plaine de Lentilla (Pyrénées-Orientales) et de son dirigeant pour non-respect du débit minimal biologique en aval d'un ouvrage de prélèvement. Cette ASA est autorisée à dériver et prélever une partie des eaux de la Lentilla et de la Têt pour l'irrigation collective des 600 hectares de terres agricoles de ses 1 200 adhérents, répartis sur quatre communes.

Par un procès-verbal en date du 25 août 2021, deux inspecteurs de l'environnement de l'Office français de la biodiversité (OFB) avaient constaté le non-respect par l'ASA du débit minimal de 163 litres/seconde (l/s), imposé par arrêté préfectoral, à l'aval de l'ouvrage de prise d'eau qu'elle était autorisée à exploiter sur le canal de La Lentilla, situé sur la commune de Finestret. Les inspecteurs avaient constaté que l'orifice destiné à assurer le début minimal réglementaire était fermé, relevant un débit en aval de 50 l/s seulement. Le 31 août, ils dressaient un nouveau procès-verbal : l'orifice était toujours fermé et le débit en aval était mesuré à 10 l/s.

Entendu en audition libre par les inspecteurs de l'environnement, le président de l'ASA reconnaissait les faits. Mais le parquet avait ensuite vainement tenté une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Le mis en cause avait également refusé de signer les convocations que tentaient de lui remettre les inspecteurs, celles-ci étant finalement remises au secrétariat de l'ASA. L'association France Nature Environnement Occitanie-Méditerranée (FNE-Ocmed) s'était constituée partie civile. Par un jugement du 14 décembre 2023, le tribunal correctionnel de Perpignan avait déclaré l'ASA et son dirigeant coupables du délit d'exploitation d'ouvrage dans un cours d'eau non conforme au débit minimal biologique. Il les avait respectivement condamnés à 2 000 et 1 000 euros d'amende, ainsi qu'à verser solidairement 1 000 euros à FNE-Ocmed en réparation de son préjudice moral. L'ASA et son président avaient ensuite fait appel du jugement.

La cour montpelliéraine confirme la culpabilité de ces derniers et augmente les peines prononcées à, respectivement, 8 000 euros (dont 3 000 euros avec sursis) et 5 000 euros (dont 2 500 euros avec sursis). « Les faits sont parfaitement établis par les pièces de procédure et les débats », justifient les juges. Ces faits « revêtent une importante gravité, s'agissant d'infractions environnementales graves, avec des risques conséquents pour la biodiversité et le droit d'accès à l'eau, la protection de l'environnement et le partage de la ressource en eau avec les usagers », juge la cour. Celle-ci relève que « les enjeux économiques, sanitaires, écologique et européens sont forts », que la pérennité des habitats protégés des truites fario et des barbeaux méridionaux était en danger, et que la faiblesse du débit impactait également un captage d'eau potable en aval et la dilution des effluents d'une station d'épuration.

Les juges réaffirment, à cette occasion, le principe de la conciliation des usages de l'eau : « Lorsque que M. D. soutient que les intérêts économiques prévalent sur tous les autres, il méconnaît le fait que le législateur et le ministère ont déjà pris en compte l'équilibre entre les intérêts, leur conciliation, tant sur le plan national qu'européen, en adoptant des lois, règlements, arrêtés et directives clairs, de même que l'autorité préfectorale par les arrêtés pris, adaptés aux territoires et à leurs particularités. » La cour réaffirme également l'autorité des inspecteurs de l'environnement, alors que le prévenu les avait expulsés des locaux de l'ASA en février 2023 : « Les inspecteurs de l'environnement affectés à l'Office français de la biodiversité, qui sont assermentés et effectuent un travail remarquable dans des conditions très difficiles, représentent une police de l'environnement indispensable pour contrôler le respect des dispositions législatives et réglementaires visant à protéger l'environnement, prévenir ou faire cesser les atteintes et rechercher les auteurs des infractions les plus lourdes en la matière. Ils ont des prérogatives de police administrative et judiciaire qui doivent être respectées et sont dotés d'une technicité en matière environnementale apportant une expertise et un professionnalisme essentiel. »