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« Non aux bassines » : en Île-de-France, la guerre de l’eau commence


| Reporterre | Vexin

Une centaine d’opposants au projet de mégabassine sur des terres agricoles en Île-de-France se sont réunis le 28 janvier pour demander une remise en état du site.

Le message des habitants est clair : « L’eau est un bien commun, non aux bassines dans le Vexin ! » Il en a pourtant failli de peu pour cette commune de 150 habitants. Après un été particulièrement sec, les riverains ont découvert avec stupéfaction l’implantation d’une mégabassine de 125 mètres de long et de 50 mètres de large. Ce grand réservoir d’eau contesté est prévu pour l’irrigation des 350 hectares de cultures de céréales d’un agriculteur.

Samedi 28 janvier, ils étaient plus d’une centaine à manifester à Banthelu pour s’opposer à cette mégabassine — la toute première en Île-de-France. Quatre jours avant la mobilisation, les organisateurs ont reçu un communiqué de presse de la préfecture, confirmant le caractère illégal de l’installation. Victoire ? Pas tout à fait : « Nous demandons une remise en état du site et un vrai échange avec la préfecture sur la gestion collective de la ressource en eau », partage Bernard Loup, président de Val-d’Oise Environnement, une des associations qui a participé au recours. Car pour l’instant, les tentatives de discussion avec la préfecture ont été infructueuses : « La commission sécheresse ne devrait pas uniquement s’inquiéter de la répartition de la ressource en eau en période de crise. »

Avant le rassemblement, plusieurs associations avaient déjà déposé un recours au tribunal administratif de Cergy, car la bassine — d’une capacité de 28 000 m3 d’eau — ne respecte pas le plan local d’urbanisme (PLU) : « Le terrain est classé en zone agricole non constructible, et le PLU interdit les ouvrages de ce type dans la mesure où il faut protéger ces terres », affirme Maxime Colin, juriste à France Nature Environnement qui a suivi le dossier. « Le permis de construire n’avait pas non plus été accordé », ajoute Corinne Hauter, une des habitantes mobilisées.

Les travaux ont été arrêtés. Les habitants demandent une remise en état du terrain. © Léa Dang / Reporterre


Pour les associations, il est clair que puiser dans les nappes phréatiques n’est pas la solution : « L’Île-de-France était jusqu’à présent préservée du manque d’eau, mais les restrictions d’usage de cet été nous ont prouvé le contraire », rappelle le juriste Maxime Colin. Et quand les précipitations sont insuffisantes et que le débit des nappes baisse, les bassines exercent une pression trop forte sur la capacité des écosystèmes à se renouveler.

« C’est une tentative de faire main basse sur l’eau »

À Banthelu, l’installation cristallise d’autant plus les tensions dans un contexte d’amenuisement des ressources. « Pourquoi des exploitants privés auraient la possibilité de pomper dans le patrimoine commun ? » questionne Aurélien Taché, député écologiste du Val-d’Oise, à l’origine du signalement à la préfecture. Pour Olivier Hue, propriétaire du terrain et ancien céréalier qui a tenu à se rendre sur place, le déficit hydrique pèse en premier lieu sur les agriculteurs : « C’est bien de rappeler que l’eau est un bien commun, mais les agriculteurs ne peuvent pas vivre sans elle. »

Or pour la Confédération paysanne, qui lutte contre la construction des mégabassines depuis déjà plusieurs années, ces infrastructures ne concernent qu’une infime partie des paysans : « Seulement 5 % des agriculteurs pourront en bénéficier, au détriment de leurs collègues, assure Gaspard Manesse, porte-parole du syndicat et maraîcher dans les Yvelines. La stratégie mise en place par les personnes irriguant, c’est de pouvoir prélever l’hiver — en sachant qu’une partie de l’eau va s’évaporer — pour arroser quand les interdictions auront lieu. C’est une question de temporalité : cela permet de se soustraire aux arrêtés préfectoraux. »

Les habitants restent donc vigilants : « Pour l’instant, les travaux ont été arrêtés, mais il y a plusieurs projets de forage dans le département », prévient Bernard Loup. « Cela nous oblige à nous demander quelle agriculture nous souhaitons pour le Val-d’Oise, conclut Aurélien Taché. Si l’on sort des logiques agro-industrielles, nous pouvons trouver des pratiques qui nécessitent moins de ressources. »