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Pourquoi la France est toujours menacée de sécheresse

68 % des nappes sont toujours à des «niveaux modérément bas à très bas», selon le dernier bilan du BRGM.

| Le Figaro Sciences | Actualités

Malgré de fortes pluies pendant le printemps, plus des deux tiers des nappes phréatiques sont à des niveaux très bas.

Pour l’été prochain, les jeux sont faits. «La saison de recharge de la plupart des nappes phréatiques est terminée», affirme Christophe Poinssot, directeur général délégué du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières). Les précipitations à venir vont majoritairement servir à la croissance de la végétation, pas à alimenter les réserves d’eau souterraines. Et si les pluies de ces dernières semaines ont été abondantes à certains endroits, elles n’ont globalement pas suffi à rectifier le tir d’un hiver trop sec pour l’ensemble de la France.

68 % des niveaux des nappes restent ainsi sous les normales mensuelles en avril (un léger progrès par rapport aux 75 % enregistrés en mars) avec de nombreux secteurs affichant des niveaux bas à très bas, selon le BRGM. Si la situation s’est améliorée considérablement sur les nappes du Massif armoricain, du littoral de la Manche et du Grand Est, «elle reste critique dans le Sud-Est, s’est aggravée dans le couloir rhodanien» et dans le bassin parisien, a détaillé mercredi le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, à l’issue d’une nouvelle réunion du Comité d’anticipation et de suivi hydrologique (Cash) chargé du suivi de la sécheresse en France.

«La situation est encore moins favorable que l’an dernier à la même époque», rappelle le ministre qui pointe le cas «particulièrement préoccupant» des Pyrénées-Orientales, presque entièrement placées en situation de «crise», le plus haut niveau d’alerte. Christophe Poinssot évoque même «une situation inédite, avec des niveaux historiquement bas» pour ce département, ainsi que pour le couloir rhodanien. Il rappelle néanmoins que le territoire compte 1 200 bassins-versants aux comportements différents, certaines zones étant ainsi mieux loties que d’autres à l’intérieur d’un même département.

Vingt-huit départements à haut risque

Les prévisions à trois mois de Météo-France ne sont guère plus rassurantes. Elles ne privilégient aucun scénario pour les précipitations mais des mois de mai, juin et juillet plus chauds que la normale sur l’ensemble du territoire. Or «des températures élevées pourront contribuer à augmenter les besoins en eau de la végétation et les prélèvements en eau», note le BRGM qui prévoit donc que «l’infiltration des pluies en profondeur sera très limitée: les épisodes de recharge devraient rester ponctuels, localisés et peu intenses».


À partir de ces données, le ministre de la Transition écologique a diffusé une carte d’anticipation des risques de sécheresse pour l’été, sur laquelle une grande partie du bassin parisien, du couloir rhodanien et du pourtour méditerranéen, mais aussi les Deux-Sèvres et la Vienne, figure en rouge vif: au total, vingt-huit départements sont à «risque très probable de sécheresse d’ici la fin de l’été».

340 opérations de travaux ont été menées depuis l’an dernier pour sécuriser l’approvisionne-ment en eau potable

Bérangère Couillard, Secrétaire d’État à l’Écologie

L’an dernier, pendant la saison estivale, la quasi-totalité du territoire subissait des restrictions d’eau et 700 localités étaient concernées par des problèmes d’approvisionnement en eau potable. «Il y a encore aujourd’hui des communes approvisionnées par citernage ou distribution de bouteilles», a rappelé la secrétaire d’État chargée de l’Écologie, Bérangère Couillard, ajoutant qu’environ 2000 communes sont identifiées comme fragiles en termes d’approvisionnement.

Un «guide des restrictions»

Alors qu’un quart du pays est déjà en «vigilance», les pénuries à venir sont donc quasiment actées. Pour mieux y faire face, le gouvernement a mis à jour son «guide sécheresse» publié il y a deux ans. «Avant, chaque territoire s’organisait comme il le souhaitait», selon le ministre, qui présente ce document de plusieurs dizaines de pages envoyé aux préfets comme «un socle commun homogène des restrictions» applicables selon quatre niveaux de gravité (allant de «vigilance» à «crise»).

Nettoyage des façades, des véhicules, arrosage des golfs ou des hippodromes… Ce guide constitue donc une base commune censée être plus transparente ; mais «les restrictions pourront être durcies par les préfets en fonction de la réalité locale», a souligné le ministre mercredi, citant l’exemple des Pyrénées-Orientales où «le préfet est déjà allé plus loin». Depuis plus d’une semaine en effet dans ce département, un arrêté prévoit des restrictions d’irrigation agricole, d’arrosage des espaces verts ou des potagers. La vente des piscines hors-sol y est interdite, de même que le remplissage ou la remise à niveau des piscines privées déjà installées.

L’État a-t-il toutefois les moyens de faire respecter ces restrictions, qui peuvent varier d’un territoire à un autre? L’an dernier, 13.000 contrôles ont donné lieu à environ 1000 sanctions, a assuré Christophe Béchu qui tiendra début juin une réunion avec le directeur de l’Office français de la biodiversité (OFB) pour faire le point sur la campagne de contrôle et de sanctions. Une plateforme d’information numérique devrait par ailleurs être mise en ligne dans les prochaines semaines «pour permettre à chacun, en renseignant son adresse, de savoir les restrictions qui s’appliquent là où il se trouve». Chaque Français consomme en moyenne 148 litres d’eau potable par jour, a rappelé le ministre: «Ce n’est pas un petit sujet quand on entre en période de sécheresse.»