Skip to main content

Météo : au 31e jour sans pluie, la sécheresse hivernale inédite inquiète

| Marie-liévine Michalik | Actualités

Le record de mars 2020 est sur le point d'être dépassé. Plusieurs feux se sont par ailleurs déclarés dans les Bouches-du-Rhône et en Charente-Maritime au début du mois de février, témoignant de la sécheresse des sols.

L'hiver passe mais il ne pleut toujours pas. Depuis le début du mois de février, la barre des cinq millimètres de précipitations en moyenne sur le territoire français n'a pas été franchie, selon La Chaîne météo*. Sur la première quinzaine de février, seuls 2,4 millimètres en moyenne ont été recensés. Plusieurs villes comme Bordeaux, Châteauroux, Toulouse et Melun n'ont pas été arrosées par la pluie depuis le 20 janvier dernier. «On a déjà dépassé le record de 1989 avec 22 jours sans pluie et on va franchir celui de mars 2020 pendant le confinement, avec 31 jours sans pluie», commente Cyrille Duchesne, météorologue pour La Chaîne Météo.

Les sols sont secs, les cours d'eau ne se rechargent pas, la végétation s'assèche et s'enflamme... Les météorologues parlent même d'une sécheresse hivernale, définie comme un déficit de pluie par rapport à la moyenne saisonnière. «Le mois de février est souvent contrasté en termes de précipitations mais nous sommes très en dessous de ce que l'on attendait», poursuit le météorologue.

Dans certaines régions, le déficit hydrologique s'élève à près de 100% comme dans le Pas-de-Calais, le Var, le Cher, les Pyrénées-Orientales ou encore à l'ouest dans la Loire-Atlantique, la Vendée et la Charente. Si nous sommes désormais habitués à sa sœur jumelle en été, les conséquences de la sécheresse hivernale peuvent être dramatiques.

Après la sécheresse 2022, un été 2023 ultrasec ?

Alors que la France a déjà connu un été marqué par les pénuries d'eau et un automne relativement doux, la faible quantité de pluies hivernales laisse craindre le pire. Après près de trente jours sans eau, les sols et les nappes phréatiques s'assèchent. «Quand on regarde la situation actuelle des sols, le taux d'humidité est celui du milieu du mois d'avril et non du mois de février», informe Simon Mitterlberger, climatologue pour Météo France.

Une sécheresse qui inquiète d'autant plus que les pluies hivernales sont les plus efficaces pour recharger les nappes et humidifier les sols. De la mi-novembre au 15 mars environ, «l'eau doit arriver directement dans le sol puis s'infiltrer ensuite dans les nappes», poursuit Laurie Caillouet, hydrométéorologue. Une fois le printemps et l'été entamé, les températures augmentent et participent à l'évaporation de l'eau avant qu'elle n'ait pu nourrir le sol.

Déjà fragilisés par la sécheresse de cet été, les sols et nappes phréatiques ont un besoin très important d'eau de pluie. «Si les précipitations de cet automne ont soulagé le sol, après la canicule de cet été, cela est très insuffisant, alerte Laurie Caillouet. On attendait beaucoup de cet hiver.»

Déjà dans son bulletin mensuel du mois de janvier, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) alerte sur le mauvais état de santé des nappes phréatiques en France. «Plus des trois-quarts des nappes restent sous les normales mensuelles, notent les scientifiques. Les niveaux sont nettement inférieurs à ceux de décembre de l'année dernière.»

Seules les nappes de quelques régions comme la Manche, l'Aquitaine et la Corse s'approchaient de leur niveau moyen saisonnier. Le bassin parisien ainsi que le couloir Rhône Saône sont particulièrement fragilisés. Notons que depuis la création de cette carte, l'état hydrologique en France s'est dégradé. Contraignant ainsi les collectivités à prendre des mesures radicales.

Le 17 février, alors que l'été semble encore loin, la préfecture du Var place 85 communes du département en alerte sécheresse et 2, en alerte sécheresse renforcée. Les habitants sont donc soumis, dès maintenant, à des restrictions sur l'usage de l'eau. «L'axe Avignon-Marseille est très touché par la pénurie d'eau du fait de plusieurs crises successives, alerte Emma Haziza, hydrologue. Tout comme la région des Pyrénées-Orientales.»

Dans le département du Var, 87 communes ont été placées en alerte sécheresse (2 en renforcée) le 17 février. Préfecture du Var (83)

Un printemps qui devrait être chaud

Le sud de la France n'est pas le seul concerné. Dans le Puy-de-Dôme, une soixantaine de communes rurales sont privées d'eau potable, obligeant les habitants à s'hydrater à l'aide de bouteilles d'eau ou à faire appel à des camions-citernes.

Doit-on s'attendre à un été encore plus sec que l'année passée, rythmé par des pénuries d'eau potable ? Les regards sont désormais tournés vers les mois de mars et avril. Sans un printemps humide, les mois d'été pourraient s'avérer très secs. Selon les prévisions météo, la pluie n'est pas attendue dans les quinze prochains jours, laissant suffoquer encore un peu les sols et les nappes. «Nous n'avons pas de prévisions pluviométriques pour le prochain trimestre, regrette Simon Mitterlberger. Le printemps devrait être chaud mais il peut très bien être pluvieux en même temps.»

Rappelons qu'un épisode pluvieux ne suffit pas à recharger pleinement les nappes. «Il faut plusieurs jours de pluie, espacés pour que la terre ait le temps de l'ingérer», rappelle Laurie Callouet. De son côté, le BRGM s'inquiétait déjà en janvier de la recharge des nappes qui affichaient des niveaux très bas en décembre (Maine, Poitou, Vendée, Périgord, Var et Alpes-Maritimes).

Pour Emma Haziza, le changement climatique bouleverse aussi le cycle de l'eau. «On pourrait faire des recharges maximales en eau l'hiver et avoir un été très sec, déplore-t-elle. La chaleur accélère l'évaporation de l'eau.» Si l'on veut éviter que les pénuries d'eau potable se multiplient en été, comme en hiver, la scientifique appelle à une meilleure utilisation de cette ressource qui commence à manquer.