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En Espagne, la sécheresse sans fin met l’agriculture en péril


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Alors que le printemps est aussi aride que l’hiver, une canicule historique devrait frapper le pays cette semaine. Une catastrophe pour le secteur agricole, qui anticipe une réduction de 60 % de la culture céréalière, voire une «production zéro» dans certaines zones.

C’est l’été en avril. Une canicule, semblable à celles qui sévissent d’ordinaire en juillet-août et historique à cette époque de l’année, devrait frapper l’Espagne continentale et les Baléares à partir de ce mardi. Le thermomètre pourrait grimper au-dessus de 30 °C dans plusieurs régions et même jusqu’à 40 °C, dans le Sud. «Les températures minimales devraient aussi être anormalement hautes, particulièrement en Andalousie, qui pourrait connaître des nuits tropicales à plus de 20 °C», avertit l’agence météorologique espagnole (Aemet). Selon son porte-parole, il pourrait faire, par endroits, 15 à 20 degrés de plus que lors d’un printemps ordinaire.

«Abril, aguas mil» («Avril, plein d’eau»), dit le dicton populaire. Un mois sur lequel l’Espagne rurale comptait de pied ferme pour atténuer la sécheresse persistante qui s’acharne depuis janvier 2022. Il n’en fut rien : à l’exception de rares pluies tombées en fin de semaine dernière, avril a été le mois le plus sec dont on se souvienne. Eleveurs et agriculteurs, au premier chef, ne comptent plus sur les habituelles précipitations de printemps et s’en remettent déjà à celles d’octobre, priant pour que les choses n’empirent pas trop jusque-là.

Selon un des trois syndicats agricoles, Coag, 60 % des cultures de céréales sont affectées, soit environ 3,5 millions d’hectares. Dans le Sud, les récoltes céréalières semblent déjà perdues et celles des olives seront réduites. Le 19 avril, le ministère de l’Agriculture s’est réuni avec les trois syndicats agricoles, qui réclament «des aides extraordinaires d’urgence» pour faire face au manque d’eau. L’année dernière, déjà très marquée par la sécheresse, les pluies de mars et d’avril avaient permis la production de 18 millions de tonnes de céréales – blé et orge surtout –, soit 2 millions de moins qu’en 2021. Cette année, sans eau, le secteur craint le pire. Une conjoncture défavorable pour cette puissance agroalimentaire qu’est l’Espagne, quatrième exportateur de l’Union européenne.

Le ministre de l’Agriculture, Luis Planas, a eu beau promettre qu’agriculteurs et éleveurs ne seront pas «abandonnés» par les autorités, l’inquiétude gagne. «Dans de nombreuses régions du pays, du fait du manque d’eau et de l’augmentation inhabituelle des températures, on assiste à des pertes irréparables dans plusieurs cultures, a réagi Pedro Barato, le président du syndicat . Le problème n’est plus seulement de sauver une partie des récoltes mais un secteur tout entier. Sans aides, d’innombrables exploitations devront fermer.»

Situation d’«exceptionnalité»

L’Andalousie est touchée d’une manière particulièrement violente. La branche locale du syndicat Coag a lancé l’alerte : la production de céréales et de tournesol pourrait être nulle, du jamais-vu de mémoire d’agriculteur. Celle des oliviers, pistachiers, amandiers et autres orangers devrait chuter drastiquement. Les éleveurs se plaignent d’un manque de fourrage pour le bétail. La situation n’est pas meilleure pour ce qui concerne les cultures d’irrigation qui dépendent directement des «embalses», les retenues d’eau, qui sont en moyenne à 51 % de leur capacité. Les restrictions imposées par les les agences de gestion de l’eau qui dépendent du ministère de l’Agriculture) vont limiter voire empêcher les semailles d’été telles que le maïs, le riz et le coton.

Selon l’agence météorologique espagnole, le pays connaît désormais un troisième type de sécheresse, après la «météorologique» et l’«hydrologique» : la sécheresse «agricole», caractérisée par des sols si secs qu’ils ne permettent pas le développement normal des cultures. Conscient du problème, le gouvernement a débloqué une enveloppe de 300 millions d’euros, qui sera répartie entre 250 000 paysans.

Et la situation dramatique des campagnes risque d’affecter rapidement les villes. Notamment en faisant grimper encore le prix des aliments, à commencer par celui de l’huile d’olive. Pis, cela risque d’entraîner des restrictions d’eau précoces. «La situation ne va pas s’améliorer, indique Jorge Olcina, responsable du laboratoire de climatologie à l’université d’Alicante. Cela va obliger à restreindre l’usage de l’eau, d’abord dans les campagnes puis dans les grandes villes.»

En Catalogne, dont les réserves d’eau sont très basses, six millions d’habitants vivent en situation d’«exception» depuis la fin février : l’arrosage des jardins est interdit et l’irrigation agricole réduite. Idem en Andalousie : à Séville, il est interdit d’arroser les terrains de sport, de nettoyer les rues avec de l’eau potable ; seul le remplissage des piscines équipées d’un système de récupération est autorisé.