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Pollution de l’eau : la fronde des élus charentais pour éviter une « catastrophe »


| Le Figaro | Pollution


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Le département a voté une motion pour interdire l’utilisation de produits phytosanitaires près des aires de captage.

Terre de vignes et de grandes cultures, la Charente-Maritime appelle à « interdire l’emploi des produits phytosanitaires sur les zones d’alimentation des captages » d’eau potable. Objectif : « assurer la fourniture d’une eau de qualité aux Charentais — Maritimes de façon à garantir leur santé et leur sécurité>, détaille une motion transpartisane adoptée vendredi dernier par le conseil départemental. Totalement inédite, cette démarche entend alerter les pouvoirs publics sur les multiples polluants qui gangrènent les nappes et cours d’eau.

Le 8 décembre, les élus charentais maritimes réunis au sein d’Eau 17, le syndicat chargé de délivrer de l’eau potable à l’immense majorité des communes du département, avaient déjà voté leur propre motion. Une première pour cette instance fondée en 1952 et dont les membres n’avaient jamais rien signé de tel. Ils ont cette fois adopté “à l’unanimité” un texte au vitriol. Dans leur viseur, comme dans celui du conseil départemental, un métabolite du chlorothalonil, ce fongicide interdit en 2019 et désormais détecté dans les captages d’eau potable.
Homologué dans les années 1970, le chlorothalonil a longtemps été l’un des “produits phytopharmaceutiques” les plus vendus en France. Nocif pour les milieux aquatiques, il est aussi suspecté d’être cancérogène pour l’homme. L’un de ses métabolites, le chlorothalonil R4718ll, a été découvert ces derniers mois en Charente-Maritime comme ailleurs en France. Au nom du “principe de précaution”, il a depuis précipité la fermeture “provisoire” de la totalité des 15 captages de l’agglomération de La Rochelle et de deux autres captages directement gérés par Eau 17. Ce syndicat, déjà confronté aux nitrates, à l’atrazine et au S-métolachlore, a donc décidé d’exprimer son ras-le-bol et ses inquiétudes. << nous souhaitons ré­veiller les consciences et interpeller. Nous ne pouvons pas continuer comme ça », confirme son président, Christophe Sueur.
Selon cet élu oléronais, filtrer le seul métabolite du chlorothalonil pourrait coûter la bagatelle de 100 millions d’euros au syndicat et nous qui avons mis cette molécule dans l’eau ! J’attends que l’État se saisisse du sujet, qu’il nous accompagne et nous apporte un soutien technique et financier », insiste Christophe Sueur. La motion d’Eau 17 déplore « l’état sanitaire des ressources en eau de Charente­-Maritime » et « regrette l’inaction de l’État sur l’évaluation indépendante de la dangerosité de molécules phytopharmaceutiques qu’il autorise ».

Ce texte vise aussi « les fabricants des produits phytopharmaceutiques et l’État (…), responsable de la pollution des eaux. » Il cible les « décisions contradictoires des autorités sanitaires » qui permettent, selon eux, de limiter les restrictions d’usage avec la mise en place de dérogations et de nouveaux seuils réglementaires. Ses signataires appellent enfin à accélérer les « me­ sures de transition vers une agriculture protectrice de !a ressource en eau». Christophe Sueur réclame ainsi «un sursaut, un « électrochoc» pour éviter « une catastrophe ». Conseiller départemental divers­ gauche siégeant dans l’opposition, Fabrice Barusseau partage ce constat : « Nous n’avons de plan B. Face à l’évidence, les élus ne peuvent plus se voiler la face. L’État doit répondre à l’urgence sanitaire sans affaiblir pour autant la réglementation», estime cet élu qui ne s’attendait pas à « une telle unanimité» dans le département.
Soutien indéfectible du monde agricole, le conseil départemental marche, lui, sur des œufs. Vice-présidente de la Charente­-Maritime chargée de la politique de l’eau, Françoise de Roffignac — par ailleurs ingénieur en agriculture — se montre « beaucoup plus prudente dans le vocabulaire» que son homologue Christophe Sueur. « il faut préserver la ressource, c’est indispensable aux abords des aires de captage de l’eau potable. Mais il existe plusieurs définitions d’une aire de captage. Et nous ne pouvons pas envisager l’interdiction des produits phytosanitaires à l’échelle de tout le département » avance-t-elle en évoquant « le manque d’éléments» pour juger de la dangerosité réelle ou supposée des pesticides. Françoise de Roffignac attend désormais de l’État «qu’il clarifie la réglementation applicable en matière de protection de la ressource en eau».

Selon Christophe Sueur, de nouvelles molécules phytopharmaceutiques ou leurs métabolites pourraient être recherchés dans les années à venir, provoquant la fermeture d’autres captages et renchérissant encore le traite­ ment des eaux. « Nous ne sommes qu’au début d’un long feuilleton», craint cet élu.

« Nous souhaitons réveiller les consciences et interpeller »

Christophe Sueur, Conseiller départemental de L’île D’Oléron et Prèsident du Syndicat public Eau17