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PFAS dans l’eau potable de l’Oise : une plainte contre le silence des autorités et des analyses de sang alarmantes


| Le Parisien | Pollution
L’association le Roso vient de déposer plainte auprès du parquet de Beauvais pour mise en danger de la santé d’autrui

| Le Parisien | Pollution

L’association le Roso a déposé plainte après avoir découvert que les services publics avaient gardé secrète la contamination aux PFAS de l’eau potable à Esches et Bornel en août 2024. En parallèle, des analyses sanguines dévoilent des taux de contamination élevés.

« On est en colère envers les autorités qui ne font pas ce qu’elles devraient faire. C’est incroyable d’arriver à de tels taux sans être avertis de quoi que ce soit. » L’association le Roso (Regroupement des organismes de sauvegarde de l’Oise) vient de déposer plainte auprès du parquet de Beauvais pour mise en danger de la santé d’autrui, pollution de nappe souterraine et infraction au Code de l’environnement. Au cœur du dossier : la contamination aux substances perfluorées (PFAS), appelés aussi polluants éternels, de plusieurs points de captage d’eau potable de l’Oise.

Après la découverte d’un taux anormalement élevé sur la commune de Dieudonne en juillet 2024, l’affaire avait été dévoilée au public en janvier 2025. Mais en cherchant plus d’informations sur le sujet, le président du Roso, Didier Malé, a fait de surprenantes découvertes en parcourant les fichiers d’analyses d’eau partagés sur le site de la Dreal (Direction régionale de l’environnement, l’aménagement et le logement).

« Il y avait encore plus de PFAS dans les points de captage à Esches et Bornel qu’à Dieudonne, s’étrangle le militant associatif. Ça a été réglé en quelques semaines, en septembre 2024, sans que les usagers soient au courant. Le problème c’est que le Code de la santé publique oblige d’informer la population. »

« On ne sait pas d’où vient cette pollution »

Dans un courrier en date du 18 septembre 2024 que nous avons pu consulter, l’agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France et le préfet de l’Oise enjoignent le président du syndicat mixte d’eau potable des Sablons (Smeps) à faire le nécessaire pour remédier à la situation et lui demandent d’« informer la population du résultat des prélèvements effectués ». Les taux de PFAS sont alors de 0,22 µg/L à Bornel et 0,52 µg/L à Esches alors que la limite de qualité est fixée à 0,1 μg/L.

« On a changé les charbons actifs pour normaliser la qualité sur l’un des points de captage et réalisé une interconnexion sur l’autre, explique le président du Smeps, Alain Letellier, par ailleurs maire de Saint-Crépin-Ibouvillers. Le 15 octobre tout était redevenu normal. On ne sait pas d’où vient cette pollution, ni depuis combien de temps ça dure. L’ARS n’avait pas les réponses à nos questions et nous a conseillé de ne pas communiquer tout de suite. À quoi bon alerter la population si le problème est réglé. »

L’ARS, elle, se dédouane : « La consommation d’eau n’étant pas restreinte, l’information de la population répondait à un principe de transparence et non à un impératif sanitaire. Le syndicat gestionnaire en a l’entière responsabilité. »

« La pire situation que j’ai connue en cinquante ans »

Il faudra attendre le 8 avril 2025, après plusieurs relances du Roso, pour que le syndicat finisse par, enfin, informer le public de cette pollution via son délégataire Suez. Un comportement inacceptable pour l’association de défense de l’environnement.

« Leur position c’est de dire tout va bien, l’eau est potable, développe Didier Malé. Mais ce n’est que le début de l’histoire. Une fois dans l’organisme, il faut neuf ans pour éliminer la moitié des PFAS. Comment peut-on être dans le déni du lien entre santé et environnement ? »

Parmi les PFAS identifiés, certains comme le PFOA sont effectivement classés cancérogènes par le Centre international de recherche sur le cancer depuis fin 2023. Alain Letellier le reconnaît, s’il a finalement accepté de communiquer, même avec huit mois de retard, c’est « à la demande du Roso, dans un souci humain ». Et l’élu d’ajouter : « C’est la pire situation que j’ai connue en cinquante ans de carrière. »

Car si l’eau est potable, reste à savoir qui est responsable de cette pollution, qui savait et n’a rien fait. C’est justement pour sanctionner les responsables que le Roso a porté plainte. « Mon parquet a ouvert une enquête préliminaire. Les investigations sont en cours », confirme le procureur de la République de Beauvais, Frédéric Trinh.

« Nous sommes très inquiets pour notre santé »

Pour se rendre compte de l’impact de cette pollution sur l’organisme Didier Malé a réalisé une prise de sang. Le secrétaire de l’association Olivier Quatrepoint et sa femme, qui ont consommé l’eau polluée aux PFAS de Dieudonne pendant près de trente ans, se sont également prêtés au jeu.

Les résultats sont effarants. Pour les comprendre, prenons l’exemple de la pollution aux PFAS à Saint-Louis, dans le Haut-Rhin. Début mai, un arrêté préfectoral interdisait la consommation à la population après avoir détecté des taux allant de 3 à 22 µg/L dans le sang d’une dizaine d’habitants (pour la somme de 7 PFAS), soit jusqu’à 4 fois le seuil recommandé.

Dans le sang d’Olivier et sa femme, les taux explosent littéralement : 53 µg/L pour l’un, 46 µg/L pour l’autre. « Nous sommes très inquiets pour notre santé, réagit Olivier Quatrepoint. Qu’est-ce que l’on peut boire ? Les autorités nous disent que tout va bien mais là on constate que tout va mal ! »