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Dans la Beauce, l’eau potable est polluée aux nitrates et aux pesticides


| Reporterre | Pollution
Dans la Beauce, à Averdon, la Confédération paysanne et une trentaine de personnes distribuent des tracts dans les boîtes aux lettres pour informer la population de la pollution de l’eau,


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Au nord de Blois (Loir-et-Cher), la dose de nitrates dans l’eau potable dépasse la norme autorisée. Laissée dans l’ignorance, la population dénonce un manque d’informations.

Un château d’eau, un océan de blé vert et, en arrière-plan, un silo agricole. Dans ce décor typique de la Beauce, au nord de Blois (Loir-et-Cher), une dame âgée nous interpelle. « L’eau d’ici n’est pas bonne. Nous, on a mis un filtre. Mais beaucoup de gens ne le savent pas et continuent de la boire », explique Claudine Blanc, ancienne maire d’Averdon, qui est venue soutenir la Confédération paysanne.

Une trentaine de personnes a répondu à l’appel du syndicat agricole, le 4 avril, afin d’alerter les habitants de deux villages, Averdon et Villerbon, environ 1 500 personnes, sur la pollution de l’eau, captée dans cette partie de la nappe de Beauce.

Une consommation « risquée »

Lors des derniers relevés de l’Agence régionale de santé (ARS), le 29 janvier et le 8 février, la dose de nitrates dépassait la limite réglementaire des 50 mg/L fixée par la France et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pour atteindre 51 mg/L.

« L’eau ne devrait plus être distribuée. Sa consommation peut être risquée pour les femmes enceintes et les personnes fragiles. Il faut informer les citoyens », indique Bertrand Monier, porte-parole de la Confédération paysanne, en distribuant des tracts dans les boîtes aux lettres.

Le maire n’avait pas connaissance de ce dépassement, comme l’explique Jean-François Le Calvé, conseiller municipal : « La communauté de communes était au courant, pas nous. Nous sommes très étonnés et en colère de l’avoir appris par le syndicat. L’ARS doit vraiment être débordée… Nous attendons de voir si c’est un état ponctuel ou si les chiffres peuvent redescendre. »

Un captage pollué aux nitrates et aux pesticides

Sur le court terme, les chiffres pourraient peut-être s’infléchir. Mais, sur le long terme, la tendance de hausse des nitrates est bien tangible. Depuis trente ans, la courbe ne cesse d’augmenter, de 30 mg/L en 1990 à 51 mg/L en 2024. Le captage d’Averdon est également pollué par des pesticides, de l’atrazine et du chlorothalonil. Des produits interdits respectivement depuis 2003 et 2020, mais fortement rémanents. Au pied du château d’eau, un filtre à charbon tente de « retenir » les pesticides de l’eau. Un investissement de 160 000 euros réalisé par la commune en 2016.

« On est certain de l’origine agricole de la pollution, qui remonte à plusieurs années, ajoute Bertrand Monier, lui-même agriculteur, à Monthou-sur-Bièvre, au sud de Blois, en agriculture biologique. On connaît les solutions : cultiver en agriculture biologique, avec l’exemple de Munich [en Allemagne, qui a adopté une politique de protection de l’eau potable], ou implanter des prairies. On ne veut pas tirer à boulets rouges sur les agriculteurs d’ici, ils sont pris dans le système de l’agro-industrie pour produire. C’est le système qu’il faut remettre en cause. »

Le député européen écologiste François Thiollet abonde : « Si le gouvernement arrête Écophyto [le plan pour réduire les pesticides], ce n’est pas la bonne réponse. Il faut accompagner les agriculteurs vers l’agriculture biologique. » En France, 32 % des captages fermés depuis 1980 le sont pour des raisons de qualité, dont les nitrates et les pesticides, selon le dernier rapport sur la souveraineté alimentaire du gouvernement.

Pas de modification des pratiques agricoles

Face à cette situation préoccupante depuis plusieurs années, aucune mesure pour modifier les pratiques agricoles n’a été prise, comme cela est pourtant le cas sur d’autres captages prioritaires. Une étude est en cours avec la chambre d’agriculture, et un chargé de mission devrait être recruté par le département afin de coordonner les actions sur l’ensemble du territoire.

La communauté d’agglomération de Blois, Agglopolys, en charge de la gestion de l’eau depuis 2020, a préféré investir dans une interconnexion du captage d’Averdon avec celui de Fossé-Marolles, dont le taux de nitrates est plus bas, à 34 mg/L. Autrement dit, il s’agit de diluer l’eau pour la rendre potable. « C’est une question de qualité de l’eau, mais également de quantité. En cas de sécheresse ou d’incident sur le réseau, les habitants d’Averdon pourront quand même avoir de l’eau », souligne Jérôme Boujot, vice-président en charge du cycle de l’eau à Agglopolys, pour qui l’eau dépassant la norme n’est pas « impropre à la consommation ».

Cette connexion, qui devrait être opérationnelle dans deux ans, coûtera 620 000 euros hors taxes. Un investissement répercuté sur les factures d’eau des habitants de l’Agglopolys… qui pourrait s’apparenter à un coup d’épée dans l’eau si rien ne change en surface.