Trois ans de sécheresse menacent de laisser la cité catalane et toute la région alentour en manque d’eau potable. Des tankers vont acheminer des réserves depuis Majorque et Marseille.
Y aura-t-il de l’eau pour tout le monde après le Nouvel An ? C’est la grande question à Barcelone, alors que la Catalogne subit la plus longue période de sécheresse jamais enregistrée. Les lacs de réservoir se vident et le gouvernement régional cherche de nouvelles stratégies pour garantir l’eau potable pour les habitants de l’agglomération urbaine de Barcelone, ainsi que celle de Gérone, vers la frontière française.
La solution pourrait être un ravitaillement… par bateau ! Avec des tankers en provenance de Tarragone, au sud de la Catalogne, voire de l’île de Majorque ou même de Marseille. Une mesure exceptionnelle pour répondre à situation encore plus exceptionnelle. Cela fait trois ans, en effet, qu’il ne pleut pas, ou en tout cas pas suffisamment, en Catalogne. Les réservoirs sont à moins de 18 % de leur capacité. Un déficit hydrique extrême, encore plus prononcé que côté français, où le département des Pyrénées-Orientales est aussi en proie à une sécheresse qui s’étire depuis deux ans, sans pluies suffisamment abondantes pour recharger les nappes phréatiques.
Situation critique pour l’eau potable
La situation est d’autant plus critique que la région est très peuplée, et c’est l’approvisionnement en eau potable de Barcelone, la deuxième ville d’Espagne, qui est en jeu. Plus de 5 millions de personnes, en comptant l’ensemble de l’agglomération urbaine, risquent de se retrouver à sec.
Sur les quais du port de Barcelone, on s’est lancé dans une course contre la montre. C’est le branle-bas de combat pour finir d’aménager le nouveau terminal qui va réceptionner les livraisons d’eau à un rythme de deux navires-citernes par jour.
« Nous devons être préparés pour toutes les situations, affirme le président régional, Pere Aragonès. Effectivement, nous sommes sur le point de devoir utiliser les bateaux-citernes, mais nous n’avons pas de date prévue. » Du côté de l’administration catalane, on marche sur des œufs. Il s’agit de sensibiliser la population aux économies d’eau nécessaires, sans donner de date fatidique ni créer la panique.
Selon les experts de l’Agence catalane de l’eau, ce n’est plus qu’une question de semaines, et les premières livraisons auraient lieu à partir de janvier pour éviter que les habitants ne se trouvent avec les robinets à sec.
Mesures de restriction
Le transport aura lieu « quand ce sera nécessaire », tranche David Mascort, le conseiller régional à l’action climatique, en assurant que la région est parée pour toutes les éventualités. « Si nous n’avons pas suffisamment d’eau, le moment venu, nous la transporterons depuis là où ce sera le plus facile », précise-t-il, en soulignant que la solution la plus rapide pourrait être Marseille, « parce que là-bas, il y a un bateau qui est prêt ».
La région est en pré-alerte : baisse de la pression de l’eau au robinet et limite de 210 litres par jour et par habitant !
Les appels à la vigilance et à une consommation responsable de l’eau se sont multipliés ces dernières semaines. De fait, la province de Barcelone est placée en pré-alerte sécheresse depuis le 21 novembre, avec une baisse de la pression de l’eau au robinet et une limite de 210 litres par jour et par habitant, ainsi que des interdictions d’arrosage strictes.
Au printemps 2008, Barcelone s’était déjà vue obligée de se faire livrer de l’eau depuis MarseilleNouvelles infrastructures
Si la situation est extrême, elle a un air de déjà-vu. Au printemps 2008, Barcelone s’était déjà vue obligée de se faire livrer de l’eau depuis Marseille lors d’une vague de sécheresse prolongée, juste avant que de fortes pluies providentielles n’inversent la tendance. L’épisode avait servi d’avertissement et, depuis, la Catalogne a investi dans de nouvelles infrastructures, avec des stations de dessalinisation de l’eau de mer, des circuits plus performants et l’extension de l’usage des eaux régénérées.
Le volume d’eau recyclée est passé de 3,8 hectomètres cubes en 2018 à plus de 53 hectomètres cubes en 2022,
Le résultat est là : le volume d’eau recyclée est passé de 3,8 hectomètres cubes en 2018 à plus de 53 hectomètres cubes en 2022, soit 15 fois plus en quatre ans, et il représente actuellement 25 % de la consommation d’eau potable de l’agglomération de Barcelone. Ces efforts considérables ont permis de juguler les effets du manque de précipitations et de tenir depuis trois ans. Mais ils arrivent à leur limite. Aucun épisode pluvieux notable ne se profile à l’horizon et, selon les météorologistes, il faudra attendre le printemps et la fonte des neiges des Pyrénées pour voir les réservoirs se remplir à nouveau. D’ici là, Barcelone se prépare au ravitaillement par bateau.