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La Chambre des comptes épingle la gestion de l’eau en Picardie

| Le Courrier Picard | Actualités

Une situation préoccupante et des changements nécessaires. Un rapport récent de la Chambre régionale des comptes (CRC) des Hauts-de-France consacré à « La gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique » dans le bassin Artois-Picardie, met en exergue la problématique du manque d’eau, dans une région où 94 % de cette ressource, c’est-à-dire l’essentiel, provient des nappes souterraines. À l’heure où un nouveau bassin-versant, celui de l’Avre, dans la Somme, vient d’être placé en alerte renforcée et que plusieurs secteurs de l’Oise sont en situation de « crise », ce rapport rappelle l’importance de la gestion de l’eau dans cette région où la ressource devrait baisser de 20 % d’ici 2050, selon le dernier rapport du GIEC. «  À terme, les deux tiers du territoire connaîtront une situation de tension, et certains sous-bassins sont déjà structurellement déficitaires en eau  », précisent les auteurs du rapport.

« Le changement de pratique agricole et l’adaptation des cultures sont nécessaires »

Pour la Chambre régionale des comptes, ce constat «  doit conduire les différentes catégories d’usagers (ménages, industriels, agriculteurs, administrations, etc.), à modifier les comportements et réduire les prélèvements, ce qui est insuffisamment le cas  ». L’agriculture, qui est loin d’être le premier consommateur d’eau (12 % du volume prélevé), est néanmoins concernée au premier chef, et ce alors que les demandes de forages augmentent au rythme de la succession d’épisodes de sécheresses. «  Les prélèvements agricoles ne sont pas les plus importants, mais ce sont ceux qui augmentent le plus en raison du changement climatique  », rappelle Jean-Marc Le Gall, vice-président de la Chambre régionale, qui a également participé à l’élaboration d’un rapport de la Cour des comptes sur cette même thématique.

Et ce d’autant plus, souligne le rapport, que le volume prélevé serait actuellement mal comptabilisé et probablement sous-évalué : «  Le changement de pratique agricole et l’adaptation des cultures à la disponibilité de l’eau sont nécessaires pour préserver durablement la ressource et éviter les tensions à venir  », indique le rapport, qui insiste sur le fait que ce constat «  impose de poursuivre la réduction des prélèvements.  »

La CRC met particulièrement en exergue le rôle de l’industrie agroalimentaire et ses besoins d’irrigation, principalement liés à la production de pommes de terre, dont la surface cultivée a progressé de 30 % entre 2011 et 2018. Une situation aggravée, selon la Chambre, par l’arrivé d’industriels belges et néerlandais, qui exploitent le foncier, faisant augmenter la surface d’exploitation légumière au détriment des prairies. «  Les premières réclament de l’arrosage, alors que ces dernières exercent un rôle fondamental dans la qualité de l’eau en fixant les nitrates.  »

Trop de fuites dans les réseaux

La Chambre régionale des comptes pointe également du doigt les pertes d’eau, considérables dans le réseau de distribution, établies à l’échelle du bassin à 57 millions de m3 par an. En matière de réseau d’eau potable, Amiens-Métropole, par exemple, fait figure de mauvais élève, avec un taux de rendement de 69 % en 2023, soit une perte de 31 % de la production d’eau injectée dans le réseau. La Chambre note ainsi que «  les collectivités gagneraient à définir un plan d’actions et un programme pluriannuel de travaux d’amélioration des réseaux, ce qui est rarement le cas.  »

Autre source de raréfaction de l’eau mise à l’index, l’artificialisation des sols et notamment la pression exercée sur les milieux humides (marais, tourbières, prairies humides, forêts alluviales), qui ne représentent aujourd’hui à l’échelle du bassin que 6 % du territoire. «  L’artificialisation du territoire et la diminution de l’élevage se traduisant par le retournement des prairies sont à l’origine de la régression de ces zones  », note le rapport.