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En Provence, des agriculteurs se préparent au manque d’eau

| Reporterre | Actualités

17 février 2023 : sur la commune de Meyrargues, en Provence, la terre est sèche, poudreuse par endroits, faute de pluie. Le thermomètre affiche plus de 15 °C, sous un grand soleil, idéal pour cette « ferme ouverte » organisée par la Confédération Paysanne des Bouches-du-Rhône. Mais la préoccupation n’est pas loin derrière les sourires : depuis une semaine, le préfet du département l’a de nouveau placé en vigilance sécheresse, une « situation exceptionnelle en période hivernale ».

Des particuliers aux industriels et paysans, tous sont déjà appelés à avoir un usage économe de l’eau. Ce liquide de plus en plus précieux est justement le thème retenu cette année par le Salon à la ferme, organisé pendant une semaine par la Confédération paysanne sur tout le territoire français.


Nicolas El Battari présente son exploitation. © Gaëlle Cloarec / Reporterre
Ici, c’est Nicolas El Battari, producteur de céréales, oléagineux et légumineuses, qui se prête au jeu en accueillant à La Pastière, son lieu de travail, confrères, élus et journalistes. Nicolas Girod, porte-parole national de la Confédération Paysanne, est venu l’épauler. « L’eau est un sujet qui s’est imposé suite aux luttes contre les mégabassines dans les Deux-Sèvres », explique-t-il. « Nous voulons montrer que le partage équitable de la ressource est une question bien plus large, qui concerne l’ensemble de la société. »

Éric Garcin, maire de la commune voisine de Jouques et lui-même agriculteur, opine tristement : « 130 hectares ont déjà brûlé dans les Alpilles. Ces sécheresses s’aggravent très vite. Quand on aura soif, on regardera les piscines, innombrables dans notre région, d’un autre œil ! »


Dans l’assistance, les témoignages se télescopent. Des vignerons ont entrepris d’arroser leurs vignes en souffrance, du jamais vu. Richard Logerot a fait pâturer ses moutons le long de la rivière, où l’on trouvait encore de l’herbe. Son confrère Luc Falcot, chevrier de Cuges-les-Pins, rappelle l’évidence : « Avec ces chaleurs, pour manger, les bêtes ont besoin de boire. » Cette année, la pénurie s’annonce pire. D’où l’urgence de débattre des usages et de leur équité.

Pour Nicolas El Battari, il est important de se poser des questions de fond : qu’est-ce que consommer, gaspiller de l’eau ? « Est-ce, par exemple, ok d’en utiliser pour faire pousser du maïs hybride destiné à l’exportation ? La production alimentaire locale ne devrait-elle pas être prioritaire ? »
Face à sa ferme, il entraîne les visiteurs jusqu’au réseau de canaux qui desservent, par irrigation gravitaire, les terres alentour, sans ponction dans les nappes phréatiques [1]. Un petit débit glougloute, réglable grâce à un système de martelières, jusqu’à ses cultures de petit épeautre, tournesols, pois chiches ou encore cameline.

L’été dernier, certaines ASA (Associations Syndicales Autorisées en hydraulique agricole) du coin ont fait face à la sécheresse en instaurant des « tours d’eau », rotation de l’alimentation par secteur.

Dans le secteur, les exploitations agricoles sont abreuvées par la Durance, via un réseau de canaux original. « Cela met en lien les agriculteurs entre eux », précise Nicolas El Battari. Ainsi, l’eau n’est pas payée, mais tous participent à l’entretien des canaux et doivent s’entendre pour bien répartir l’eau. « Devoir assumer une gestion collective nous pousse à nous entendre, et s’il y a une volonté de partager ce bien commun qu’est l’eau, cela se fait de manière organique, souple », conclut-il.