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Impact des bassines dans le Sud-Vendée : à Fontenay-le-Comte, une conférence crée le débat


Anne-Morwenn Pastier, hydrologue, a donné une conférence sur le cycle de l’eau et les bassines, à Fontenay-le-Comte (Vendée), jeudi 31 octobre 2024

| Ouest France | Bassines

L’hydrologue Anne-Morwenn Pastier a donné une conférence sur le cycle de l’eau et les bassines, jeudi 31 octobre 2024, à Fontenay-le-Comte (Vendée). Plus de 150 personnes étaient présentes. À la suite de l’exposé de la chercheuse, les réactions ont été vives et nombreuses.

Après 15 ans d’existence, quel impact les bassines ont-elles sur les milieux naturels dans le Sud-Vendée ? C’est autour de cette question que tournait la soirée organisée, jeudi 31 octobre 2024, à Fontenay-le-Comte (Vendée), par la Confédération paysanne de Vendée, Solidaires, l’association Terres et rivières et le collectif Vite 85. La Vendée compte 25 bassines en gestion collective, et quelques bassines privées.

En amont de l’événement, Yann Pajot, de la Confédération paysanne, expliquait que le syndicat ne se positionne pas contre ces réserves de substitution, « mais les prélèvements doivent être déterminés en fonction des volumes disponibles ». Et puisque les bassines sont largement financées par des fonds publics, « on estime que c’est aux citoyens de décider ce qui peut et doit être irrigué. On pense par exemple qu’il faudrait exclure les cultures destinées aux méthaniseurs et prioriser les cultures visant à l’autonomie alimentaire. »

L’effet sur les cours d’eau, « pas facile à dire »

Anne-Morwenn Pastier, hydrologue qui travaille pour le Larouste (laboratoire radical et oblique des urgences en sciences de la terre), avait été conviée pour présenter un exposé sur le cycle de l’eau et les bassines. Pour l’écouter, plus de 150 personnes avaient fait le déplacement, à la salle des OPS. « Quel effet ont les bassines sur les cours d’eau ? Ce n’est pas facile à dire, car il n’y a pas de station de débitmètre en aval, pour voir s’il y a un meilleur étiage, et si l’on n’a pas fait diminuer le niveau des rivières en hiver pendant le remplissage », a-t-elle notamment expliqué. Elle a cité l’Autise, « où l’on a des assecs qui peuvent durer jusqu’au-delà de novembre. L’agence de l’eau nous dit que c’est une rivière qui est naturellement en assec. Personne n’a de données pour dire oui ou non. Mais les témoignages des anciens nous disent que ça arrivait quand même moins souvent par le passé. »

Des seuils trop permissifs ?

La scientifique évoque aussi un retard dans la recharge des nappes phréatiques. Elle montre un graphique, s’appuyant sur des données relevées par les piézomètres : « Si on fait la moyenne, on peut voir qu’on a un ralentissement de la recharge en novembre-décembre, corrélé au démarrage du remplissage des bassines », autorisé du 1er novembre au 31 mars.

Elle poursuit en parlant des seuils, trop permissifs selon elle, « qui permettent le remplissage des bassines alors que l’on est en état de sécheresse. » Elle conclut en imaginant d’autres critères de remplissage : « Je pense qu’il faudrait garantir la recharge maximale de la nappe en fixant un seuil, et garantir un écoulement satisfaisant dans les rivières. Si je prends ces deux critères, j’arrive à un seuil de coupure de 5,5 m. Ça voudrait dire remplir les bassines une année sur deux, ou trois années sur cinq. »

Réactions nombreuses dans la salle

À la suite de cette présentation, les échanges ont été nombreux dans la salle, et le débat s’est éternisé jusqu’à 23 h 30. On y a entendu tous les points de vue, notamment ceux de paysans retraités, dont l’un regrettant que l’intervenante se présente comme militante. « Comment voulez-vous qu’on ne vous critique pas si vous vous présentez comme militante anti-bassines ? Ici, le problème de l’eau est pris à bras-le-corps depuis longtemps. Moi qui pensais apprendre des choses ce soir, je n’apprends rien. »

D’autres, au contraire, ont trouvé « brillante » la présentation. Inquiétante, aussi. « Les priorités ont été rappelées ce soir : l’eau pour les humains, pour la faune et la flore, et ensuite pour l’agriculture, mais peut-être une agriculture différente car on se dirige vers une impasse », a réagi un homme dans la salle. Un autre a surenchéri : « On ne dit pas qu’il faut tout arrêter, mais est-ce qu’on ne peut pas envisager une réduction des volumes prélevés ? »

Des échanges tendus en fin de soirée

Arnaud Charpentier et Fabrice Enon, respectivement président et directeur du syndicat mixte Vendée Sèvre Autise (propriétaire d’une partie des bassines), étaient également présents dans la salle. S’ils ont salué l’effort de vulgarisation, ils ont aussi tenu à apporter d’autres éléments. « Le remplissage ne se fait que quand on a atteint un seuil, défini avec tous les acteurs de l’EPMP (N. D. L. R. : Établissement public du Marais poitevin), a ssociations agricoles, environnementales, collectivités… Ce n’est pas fait au bon vouloir. » Ils ajoutent que « les prospectives qu’on a faites en 2010, c’était avec les connaissances qu’on avait à l’époque. Avec le recul qu’on a aujourd’hui, on va forcément revoir certaines choses. »

Les échanges ont fini par prendre l’air d’un débat d’experts, sur des points techniques parfois difficiles à suivre. En toute fin de soirée, des agriculteurs irrigants ont pris la parole, réussissant difficilement à faire entendre leur point de vue par-dessus les invectives de certaines personnes du public. L’une des participantes avait appelé, un peu plus tôt, à dialoguer calmement pour « laisser entrer le monde de l’autre au lieu d’écouter avec nos biais dans le seul but de conforter ce qu’on pense déjà ».